upjf.org - David Reinharc / Israël magazine
dimanche 20 mai 2007
Cette défense des Juifs de la part de deux personnalités qui ne le sont pas - Christine Angot et Doc Gynéco - a quelque chose de très émouvant. Je crois que cette attitude - plus répandue qu'on ne le croit - a sa source dans le sens de la justice et de la vérité. Pour moi ce sont des Justes des nations. On ne mesure pas assez le courage qu'il faut à ces deux-là, et surtout à Doc Gynéco, pour ramer ainsi à contre-courant d'une opinion hostile à Israël et aux Juifs, ou trop lâche pour marquer leur différence en se distançant des propos antisémites et/ou anti-israéliens. (Menahem Macina).
"Le rap, c'est le bras armé du djihad" ; "Quand les jeunes de banlieue voient des fours et des charniers, ils adorent cela!" ….
Doc Gynéco ne tait rien de ce qu'il a envie de dire. Pour lui, né justement à la périphérie de Paris, les "jeunes de banlieue ont besoin de tuer en vrai. De voir le sang", tandis que pour Christine Angot [1], "nous sommes encore dans la France du Chagrin et de la Pitié" [2].
Après le meurtre d'Ilan Halimi, la vague d'antisémitisme, l'opprobre jeté au visage de la petite nation israélienne, il paraît clair que le monde, après lecture de cet entretien, a déclaré la guerre aux Juifs. Et chacun va devoir choisir son camp, le refus de choisir étant lui-même un engagement.
Sartre disait qu'"on n'avait jamais été aussi libre que sous l'Occupation".
On peut lire ces propos dérangeants avec détachement ou alors se dire : et si c'était vrai ? On n'a jamais été aussi libre.
David Reinharc [3] : Le rap est-il devenu un instrument de propagande ?
Doc Gynéco : En réalité, il ne milite plus ni pour le hip hop ni pour le public : le rap s’est aujourd’hui islamisé. Akhenaton est musulman, comme de plus en plus de rappeurs. Ils sont en guerre : le rap, c’est un peu le bras musical armé du djihad.
Christine Angot : Quand des gens prennent la parole, certains peuvent s’imaginer que le fait de dénoncer les met hors du processus violent…
Doc Gynéco : Ils gardent le sentiment d’être des artistes, même s’ils sont manipulés. Ils se sentent tous communistes, éducateurs du peuple, professeurs des jeunes de banlieue. Ils ne savent pas ce que parler veut dire. Ils portent un tee-shirt du GIA ou de Ben Laden comme on porte un tee-shirt du Che. Par contre les rappeurs qui s’en sont sortis ont conscience de cette manipulation.
David Reinharc : Diams, on a plutôt le sentiment que ce qu’elle pense est en adéquation avec ce qu’elle chante….
Doc Gynéco : Oui, elle y croit. Elle ne se rend pas compte de ce qu’elle dit. Mais I AM , il sait ce qu’il fait. Pourtant, ils font un art entièrement inspiré des Noirs Américains. Mais ça ne les intéresse plus depuis dix ans. Ils sont manipulés par la violence, par les films d’action, mais c’est une violence organisée et structurée de kamikazes, pas une violence de vrai révolutionnaire. Je baise la France : tous les rappeurs de Marseille à Paris chantent ça comme un seul homme.
David Reinharc : Se faire dynamiter s’apparente à de la résistance : le groupe de rap Sniper…
Doc Gynéco : Vous citez une phrase plutôt gentille. Ca me rend triste. Je suis contre l’islamisation du rap.
David Reinharc : Il existe malgré tout des groupes, doués et militants, qui savent très bien ce qu’ils font : Médine, l’album Jihad, Kamelancien, Keny Arkana, qui vient de l’extrême-gauche, instrumentalisent le rap à des fins de propagande politique…
Doc Gynéco : Moi, le terrorisme, j’ai fini d’y croire quand une bombe a explosé à Tati Barbès.
David Reinharc : Parce qu’avant, vous y croyiez ?
Doc Gynéco : Je pouvais croire, oui, à une forme de révolte par les armes.
David Reinharc : Contre qui ?
Doc Gynéco : Jean Moulin ! Vichy. « Pour plus de justice » etc. Mais l’attentat à Barbès m’a profondément heurté : des arabes tuaient des arabes. Ceux d’Algérie d’il y a pas longtemps. Je peux comprendre l’attentat de Port-Royal, même la prise d’otage des Juifs par les Palestiniens mais la bombe à Tati Barbès, là, je ne saisis plus.
David Reinharc : Des « victimes innocentes » ?
Doc Gynéco : On peut dire ça comme cela… On ne comprend plus leur combat.
Christine Angot : Dans un propos artistique, la question de la complaisance se pose toujours, mais je ne pense pas que les textes des artistes soient responsables des actes réels. Même la musique militaire n’est pas responsable des guerres.
David Reinharc : J’ai posé une allumette près d’une flaque d’essence, mais ce n’est pas moi qui ai mis le feu…?
Doc Gynéco : Médine, c’est pourtant le genre de personne qui poserait une bombe à Tati Barbès. L’Histoire, contrairement aux jeunes, il la connaît. Il sait, lui, ce que veut dire Jihad, pas les jeunes. Il utilise des moments essentiels pour les islamistes et il les met en musique. Cela a un impact latent, vicieux, sournois.
Christine Angot : Avoir un propos sur une réalité violente, c’est intéressant. En revanche, esthétiser cette réalité, ce n’est intéressant ni pour la société ni pour l’art.
Doc Gynéco : Sous couvert des idées communistes, le rap met en musique l’islamisme et les actions d’Al Qaïda.
David Reinharc : Dans le rap, on trouve le vocabulaire de l’islam contre l’Occident et aussi, paradoxalement, le culte de la société de consommation…
Doc Gynéco : C’est là qu’ils sont de droite. Ils ont oublié ce qu’est le rap américain. Mais c’est vrai que la tendance, dans le rap, est la conversion à l’islam. On se convertit à l’islam pour entrer dans le rap. Ce qu’ils aiment toujours, dans le rap des Noirs Américains, c’est la flambe et les femmes. Mais le message de paix s’est effacé. Le rap intello, ça n’existe pas.
David Reinharc : A l’exception d’Abd Al Malik – soufi, et qui n’est donc pas salafiste…
Doc Gynéco : Oui, lui je l’aime bien, mais il est arrivé en 2007.
David Reinharc : Vous-même, faites-vous un « rap de droite » ?
Doc Gynéco : Ce qui fait dire que tu es de droite quand tu es rappeur, c’est la façon dont tu vas gérer ton argent. Ne pas oublier qu’on n’en a jamais eu. On a donc un rapport avec l’argent, lié à la flambe.
Christine Angot : Oui, mais la flambe ce n’est pas une attitude bourgeoise…
Doc Gynéco : Les nouveaux rappeurs ont tous les codes des gens de droite : le cigare, le champagne, la bagnole…
David Reinharc : On trouve dans les textes de rap – Kamelancien, I AM, Sniper… - beaucoup de textes haineux contre Israël et les Juifs. Avec aussi un clip qui met en scène une liquidation d’Américains…
Doc Gynéco : On est en train de rendre les jeunes de banlieue complètement fous. Scorcese, les Affranchis, etc., ça pouvait se situer dans une esthétique qu’on n’aime pas, mais il y avait au moins des valeurs.
Christine Angot : Est-ce que c’est l’apanage du rap ? C’est l’ensemble de la société qui est concerné par l’antisémitisme.
David Reinharc : Mais pourquoi le rap est-il venu se cristalliser sur la question juive ?
Doc Gynéco : On utilise l’extrême gauche à de mauvaises fins. Ils critiquent l’argent, la bourgeoisie, les riches et donc, dans l’imaginaire collectif, les Juifs. On a réussi à opposer les Juifs à toutes les races : bientôt, même les Chinois seront de la partie. Avant, dans les quartiers, c’était Juifs versus Arabes. Maintenant, ça ne fait plus rire personne. Toutes les communautés sont en guerre contre les Juifs et je n’accepte pas ça.
Christine Angot : L’air du temps veut imposer l’idée que la violence faite aux Juifs n’est pas plus grave que la violence commise contre d’autres groupes. Sauf qu’il y a une spécificité particulière. Personne ne veut plus l’entendre. Cette volonté de nier la spécificité juive et la spécificité de la Shoah n’est pas propre au rap. Cette musique est juste un reflet de ce déni.
Doc Gynéco : Je veux en revenir à ce que représente la mort pour les jeunes de banlieue. Quand ils voient des fours et des charniers, ils adorent cela ! Dans leur portable, ils conservent les scènes d’égorgement, de tueries, de carnage. Il faut accompagner l’histoire de la Shoah du récit explicatif d’un professeur qui explique les images, sinon ça va finir sur les portables….
David Reinharc : Vous étiez le seul goy à la manifestation après la mort d’Ilan Halimi, premier meurtre antisémite après Auschwitz.
Doc Gynéco : Pas un rappeur n’a regretté cet acte de barbarie. Jamais Skyrock n’a fait passer un message. Ils utilisent tous ça : faites attention à eux. A cette époque, dans les banlieues, personne n’avait encore réussi à mobiliser les Noirs contre les Juifs. Mais dès le meurtre d’Ilan Halimi, j’ai su que ceux qui attisent la haine avaient gagné : ils ont montré le visage noir de Fofana, le «chef des Barbares».
David Reinharc : On connaît aussi votre attachement à Israël…
Doc Gynéco : On ne peut plus revendiquer dans un quartier l’attachement à la France, mais à Israël, c’est pire. C’est dur d’avoir un ami feuj en banlieue : tu vas te battre au moins dix fois pour lui….
Christine Angot : C’est dur dans un quartier mais aussi partout ailleurs. Dans toutes les situations difficiles, il y a un choix à faire : à chaque fois que des gens s’opposent, qu’il y a un conflit douloureux, il faut choisir son camp… Or, des tas de gens refusent de choisir. Mais on choisit quand même : les gens qui n’ont pas choisi Israël ont forcément choisi l’autre camp.
Doc Gynéco : Si dans un quartier, je marche avec un Juif qui répond à cette violence, s’il s’inscrit dans le rapport de force – je veux dire : il retire son tee-shirt et il se bat – c’est différent, ils le respectent. Dans les banlieues, ils ont besoin de te tuer en vrai quand ils ont un problème. De voir le sang. On n’est pas là-bas dans un salon littéraire…
David Reinharc : Vous préconisez la violence comme moyen légitime pour les Juifs de répondre à l’hostilité ?
Doc Gynéco : Pour avoir pratiqué ces gens-là, je peux vous dire qu’ils sont en guerre.
David Reinharc : C’est qui, « ces gens-là » ?
Doc Gynéco : Ceux qui ont besoin de tuer du Juif. Pour ceux-là, c’est la guerre à l’intérieur de nos frontières. Regardez Ilan : tout le monde savait. Des filles, des garçons : on va loin, là. Tous complices : des trentaines de personnes étaient là, personne n’a bronché. Les Juifs doivent savoir se défendre comme ils l’ont toujours fait : c’est la guerre, vous savez. A un moment donné, il faut se battre : il ne faut pas avoir peur de se montrer violent. J’ai connu des Juifs réputés parce qu’ils se sont défendus chaque fois. Tout le temps. Ils sont respectés.
Christine Angot : Si vous regardez "Le chagrin et la pitié", on est encore dans la même France.
David Reinharc : Il y aurait une violence plus légitime que la violence légale, celle de l’Etat ?
Doc Gynéco : Par exemple, au stade du Parc des Princes, lorsqu’ils ont trié les spectateurs et qu’ils se sont rangés en deux files pour les enserrer. Ils demandaient à chacun : « Êtes-vous Juif ? » ; et selon moi, il fallait dire : « oui ».
David Reinharc : « Oui », ça voulait dire se battre…
Doc Gynéco : Voilà. Mais je ne sais pas si c’est physiquement ou autrement. C’est les deux.
David Reinharc : C’est d’ailleurs un policier noir qui a sauvé un supporter Juif de la mort…
Doc Gynéco : Je suis fier de ça.
David Reinharc : Comment expliquer que les Juifs ont déserté la guerre qui leur est faite ?
Doc Gynéco : Il faut le savoir : les humains en face de vous n’ont pas nécessairement les mêmes données que vous dans le cerveau et sont peut-être plus portés sur la violence que vous…. Il faut revenir à l’époque du Roi David. Car, en face de vous, ils ont compris que vous parlementez, négociez, pinaillez. Il n’y a pas à se justifier. Il vaut mieux se battre, c’est certain. Ilan Halimi est mort, premier meurtre après Auschwitz, me disiez-vous. Mais si quelqu’un en banlieue avait été tué durant les émeutes, ils en auraient fait des chansons, des clips, des albums. Pour Ilan Halimi ? Pas une chanson, rien.
David Reinharc : En hébreu, face à la violence qui monte toujours d’un cran, on dit : on leur pisse dessus, ils disent qu’il pleut. C’est votre impression ?
Doc Gynéco : Après le meurtre d’Ilan Halimi, j’attendais au moins une chanson. Je pensais que les rappeurs allaient s’exprimer là-dessus. Rien. Omerta.
David Reinharc : Au lieu du « Jusqu’ici, tout va bien » des Juifs, concrètement, que feriez-vous ?
Doc Gynéco : C’est la guerre contre le silence.
David Reinharc : Sur Israël, vous pensez qu’il y a une paix possible avec le Hamas ? Ou bien qu’aujourd’hui comme hier et demain, la paix n’aura jamais lieu parce que le monde est en guerre contre les Juifs ?
Christine Angot : La vulgate, aujourd’hui, c’est d’être contre Israël. Dans une conversation ordinaire, le rejet d’Israël, c’est ce qu’on peut dire à haute voix, sans problème.
Doc Gynéco : Il fallait bien pour les Juifs un endroit pour se réfugier. Un terrain leur a été offert. C’est dommage que ce soit là, au niveau géographique, entouré de pays hostiles.
David Reinharc : Ailleurs que dans le berceau du peuple juif, ça aurait changé quelque chose...?
Doc Gynéco : C’est là qu’on voit qu’il faut se battre.
Christine Angot : Mais pourquoi les Juifs devraient se battre seuls, pour eux-mêmes? Les Juifs représentent tout le monde, toute spécificité, la spécificité de l’humain.
David Reinharc : Pourquoi les Juifs plus que les autres ?
Christine Angot : Parce que. C’est un peuple à part, que ça plaise ou non. Ils ne sont pas pareils, il y a une spécificité qui n’est pas comparable aux autres spécificités. Quelque chose d’unique qui nous représente tous.
David Reinharc : Et dès qu’ils ont voulu toucher à l’universel, ils ont accosté sur les rivages nauséeux du communisme…
Christine Angot : Nauséeux ! Quelle bizarre expression ! [4].
Doc Gynéco : Tous les peuples qui ont souffert ont commis cette erreur.
Christine Angot : Mais moi, je ne parle pas d’universel. Mais de spécificité. Il ne faut accepter ni le déni de la spécificité du peuple juif ni celui de la Shoah.
Doc Gynéco : Les Juifs sont un peu, par la force des choses, errants. Mais à un moment, ils se sont posés, parfois plus de trois cents ans. A un autre moment, ils ont trouvé Israël. Parfois, il fallait se battre, parfois ce n’était pas la peine. Aujourd’hui, c’est une époque où les Juifs doivent se battre. C’est clair. Sinon, vous reviendrez à l’époque de Salomon.
Christine Angot : Ce n’est quand même pas un hasard si le génocide intervient après l’invention de la psychanalyse par Freud. Tout s’est passé comme si c’était ça qu’on était venu punir. La découverte de l’inconscient. Ils n’ont pas supporté ça, pour le coup, ils ont voulu tous les tuer.
David Reinharc : C’est important de dire cela, car la vague d’antisémitisme actuel coïncide avec l’attaque en règle contre la psychanalyse. Le Livre noir de la psychanalyse se réfère au Livre noir, ce recueil de témoignages sur les atrocités nazies contre les Juifs d'URSS et de Pologne, rassemblés par Vassili Grossman. La boucle est bouclée.
Christine Angot : Je n’avais pas pensé au fait que le Livre noir de la psychanalyse se référait explicitement au Livre noir de Grossman. Donc, là, c’est la preuve.
David Reinharc
© Israël Magazine
Texte libre est de droits si sont cités la source et l’auteur.
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Notes de la Rédaction d’upjf.org
[1] Un blogue est consacré à cette écrivaine.
[2] Le Chagrin et la Pitié : Chronique d'une ville française sous l'Occupation, film documentaire épique de quatre heures et demie sur l'occupation allemande de la France pendant la seconde guerre mondiale, fut projeté récemment au festival du film de Sydney. Sorti il y a trente ans à Paris, ce film qui est maintenant distribué en DVD, est considéré à juste titre comme un des documentaires les plus importants du cinéma et parmi les rares films qui révèlent la collaboration de la classe dominante française avec l'Allemagne nazie de 1940 à 1944. (Extrait de "Collaboration et Résistance dans la France de Vichy : Le Chagrin et la Pitié, de Marcel 0phuls", sur le World Socialist Website). Voir aussi le bref article de Wikipedia sur ce film.
[3] David Reinharc est responsable, pour la France, d'Israël Magazine, correspondant du Jerusalem Post à Paris, directeur littéraire d'une maison d'édition parisienne, et journaliste.
[4] En effet, l'utilisation erronée de cet adjectif, au lieu de 'nauséabond', se répand de plus en plus, y compris chez des journalistes professionnels. En réalité, 'nauséeux' se dit de celui qui a la nausée ; 'nauséabond' se dit de quelqu'un ou d'une chose qui sent mauvais (étymologiquement, qui donne la nausée).
28/05/2007
30/04/2007
L'antisémitisme en Russie
Article du 17 octobre 2006 du Figaro
http://www.lefigaro.fr/international/20061017.FIG000000163_l_antisemitisme_russe_toujours_aussi_vivace.html
http://www.lefigaro.fr/international/20061017.FIG000000163_l_antisemitisme_russe_toujours_aussi_vivace.html
20/01/2007
Actualité au 8/01/2007
Regain d’antisémitisme dans le monde http://www.a7fr.com
Claire Dana Picard
lundi 8 janvier 2007 - 10:35
La seconde guerre du Liban aurait provoqué un regain d’antisémitisme dans le monde entier. C’est ce qu’indique le Forum de lutte contre l’antisémitisme dans son rapport annuel qui doit être publié incessamment.
Il s’avère, d’après cette enquête, que les incidents violents contre les Juifs se sont multipliés et que les manifestations contre Israël sont plus nombreuses que par le passé. Pour exemple, à Berlin, on enregistrerait une hausse de 60 % des événements racistes et dans la même mouvance, l’influence du parti néonazi aurait pris cette année beaucoup d’ampleur.
En Grande Bretagne, le nombre des attaques aurait doublé au moment des affrontements, l’été dernier, entre Israël et le Hezbollah, et au cours des mois qui ont suivi.
Mais il ne s’agirait que d’une infime partie du problème. Dans les quatre pays européens où les incidents antisémites ont été les plus nombreux, à savoir la France, la Grande Bretagne, la Russie et l’Ukraine, ce fléau semblerait s’aggraver et le nombre des incidents aurait tendance à augmenter.
Les dirigeants des communautés juives de ces pays ne cachent pas leur inquiétude devant ce phénomène. Le secrétaire général du Congrès juif européen (CJE), Serge Cwagenbaum, a souligné que les manifestations contre la politique israélienne dégénéraient souvent en violences contre les Juifs.
Et de préciser : "Ceux qui s’identifient avec les Palestiniens se retournent rapidement contre la communauté juive et c’est un phénomène qui nous préoccupe beaucoup".
Le rapport complet sur l’antisémitisme dans le monde devrait être remis dans trois semaines au gouvernement à l’occasion de la Journée internationale de la Shoah proclamée par l'Onu et prévue le 27 janvier prochain. Mais l’on peut déjà affirmer, d’après certains éléments déjà révélés, que l’année 2006 a été plutôt néfaste pour les Juifs de la diaspora.
Claire Dana Picard
lundi 8 janvier 2007 - 10:35
La seconde guerre du Liban aurait provoqué un regain d’antisémitisme dans le monde entier. C’est ce qu’indique le Forum de lutte contre l’antisémitisme dans son rapport annuel qui doit être publié incessamment.
Il s’avère, d’après cette enquête, que les incidents violents contre les Juifs se sont multipliés et que les manifestations contre Israël sont plus nombreuses que par le passé. Pour exemple, à Berlin, on enregistrerait une hausse de 60 % des événements racistes et dans la même mouvance, l’influence du parti néonazi aurait pris cette année beaucoup d’ampleur.
En Grande Bretagne, le nombre des attaques aurait doublé au moment des affrontements, l’été dernier, entre Israël et le Hezbollah, et au cours des mois qui ont suivi.
Mais il ne s’agirait que d’une infime partie du problème. Dans les quatre pays européens où les incidents antisémites ont été les plus nombreux, à savoir la France, la Grande Bretagne, la Russie et l’Ukraine, ce fléau semblerait s’aggraver et le nombre des incidents aurait tendance à augmenter.
Les dirigeants des communautés juives de ces pays ne cachent pas leur inquiétude devant ce phénomène. Le secrétaire général du Congrès juif européen (CJE), Serge Cwagenbaum, a souligné que les manifestations contre la politique israélienne dégénéraient souvent en violences contre les Juifs.
Et de préciser : "Ceux qui s’identifient avec les Palestiniens se retournent rapidement contre la communauté juive et c’est un phénomène qui nous préoccupe beaucoup".
Le rapport complet sur l’antisémitisme dans le monde devrait être remis dans trois semaines au gouvernement à l’occasion de la Journée internationale de la Shoah proclamée par l'Onu et prévue le 27 janvier prochain. Mais l’on peut déjà affirmer, d’après certains éléments déjà révélés, que l’année 2006 a été plutôt néfaste pour les Juifs de la diaspora.
Février 2006 : Propos antisémites du chanteur Michael Jackson sur la chaîne ABC
La chaîne ABC a transmis, au cours du programme Good morning America, un message enregistré dans un répondeur, où l’on pouvait entendre le chanteur Michael
Jackson disant: «Les Juifs sucent comme des sangsues… J’en ai marre d’eux… Ils sont la cause de ma ruine... Les Juifs l’ont fait exprès. Ils ont monté un complot pour me ruiner.»
Jackson a dit cela à l’un de ses avocats d’alors, Dieter Wiesner, il y a deux ans environ.
Ce n’est pas la première fois que Jackson se laisse aller à exprimer ses opinions sur les Juifs.
En 1996, il a été obligé de présenter des excuses après avoir suscité une tempête au sein de la communauté juive des Etats-Unis à cause des paroles d’une chanson qui contenait les mots: «Sue me, Jew me » (sue = poursuivre en justice, et le verbe jew a malheureusement le sens de duper, frauder).
Jackson habite depuis peu au Bahreïn, et certains journalistes de ce pays pensent qu’il étudie l’islam avec son frère, devenu musulman il y a quelques années, et avec des amis.
Source : Desinfos
Jackson disant: «Les Juifs sucent comme des sangsues… J’en ai marre d’eux… Ils sont la cause de ma ruine... Les Juifs l’ont fait exprès. Ils ont monté un complot pour me ruiner.»
Jackson a dit cela à l’un de ses avocats d’alors, Dieter Wiesner, il y a deux ans environ.
Ce n’est pas la première fois que Jackson se laisse aller à exprimer ses opinions sur les Juifs.
En 1996, il a été obligé de présenter des excuses après avoir suscité une tempête au sein de la communauté juive des Etats-Unis à cause des paroles d’une chanson qui contenait les mots: «Sue me, Jew me » (sue = poursuivre en justice, et le verbe jew a malheureusement le sens de duper, frauder).
Jackson habite depuis peu au Bahreïn, et certains journalistes de ce pays pensent qu’il étudie l’islam avec son frère, devenu musulman il y a quelques années, et avec des amis.
Source : Desinfos
Djamel Bouras
Lettre de Patrick Klugman, vice Pdt de l'UEJF à France 2
30 octobre 2000
M. Djamel Bouras [champion de Judo] a été invité sur le plateau de "Tout le monde en parle" [animée par Thierry Ardisson], dans l'émission du 28/10/2000. S'exprimant sur le conflit israelo-palestinien, il a tenu des propos diffamatoires et mensongers.
Tout d'abord, Djamel Bouras a manifestement démontré qu'il n'était pas qualifié pour aborder ce sujet. Voici quelques fausses affirmations que j'ai pu relever:
1. Selon M. Bouras, M. Sharon serait l'auteur du massacre de Sabra et Shatila commis au Liban en 1982. Il devrait savoir que ce sont des milices chrétiennes libanaises qui sont entrées dans le camp de Sabra et Shatila, et non M Sharon ou un quelconque soldat israelien. Ce que les israéliens eux mêmes ont reproché à M.Sharon, c'est son inaction devant le massacre. En outre, au lieu de brandir des journaux à l'antenne, il ferait mieux de les lire. Il aurait au moins su que cette "provocation"( marche sur l'esplanade) a été autorisée par écrit par le Waqf, l'organisme musulman qui gère les lieux saints de l'islam en Israël.
2. Pour M. Bouras, le lynchage à mort de deux soldats israéliens ne soulève aucune réprobation: ceux-là ne sont pas des hommes mais des "soldats", et de toute façon ils ne se seraient pas trompés de route mais bien "infiltrés volontairement en territoire sous autonomie palestinienne". Ce droit au massacre est une lecture intéressante et inédite de la convention de Genève.
3. Pour M.Bouras, la puissance d'Israël ne fait aucun doute puisque celle-ci est l'alliée du "chef du monde", les E-U qui lui fournissent des subsides. En géopoliticien averti, il devrait savoir que l'aide des E-U à Israël, 1 milliard de $ par an, est donnée à l'Égypte dans les mêmes proportions depuis les accords de camp David 1. Par ailleurs, depuis 1994, les E-U sont les premiers contributeurs pour le fonds d'aide aux Palestiniens. Depuis 1994, 2. 5 milliards de $ ont déjà été déboursés et 1.2 milliard doit encore être versé d'ici à fin 2001. (Source: Martin Gilbert, Atlas of the Arab Israeli Conflict, Routledege edition, Londres, 1998).
Puisque Djamel Bouras, se propose de comparer le niveau de vie des Palestiniens et des Israéliens, je lui propose de comparer également les patrimoines respectifs des dirigeants politiques israéliens et de ceux de l'OLP. Selon la CIA, l'OLP à travers un système occulte auquel seul Arafat et quelques proches ont accès, dispose de 2 à 25 milliards de $ de capital. Cela bien sur sans compter les aides et subventions précitées.
Cependant, le discours qu'il [Djamel Bouras] a tenu à l'encontre de MM. Boujenah et Macias dépasse de loin la divergence idéologique et glisse dangereusement de l'antisionisme à un racisme antijuif (étant lui même "sémite", il récuse le terme d'antisémite).
En s'interrogeant ouvertement sur leur nationalité, ("sont-ils israéliens, tunisiens, algériens (...) ?") il remet en cause la citoyenneté des juifs français acquise en 1791. La théorie de "la double allégeance" qui inspire ses propos nous renvoie à l'anthologie de la propagande antisémite pure et simple (appelons un chat un chat et un antisémite un antisémite).
Il tombe dans la plus misérable des calomnies quand il accuse M. Macias - qui est un partisan de toujours de la fraternité entre juifs et arabes (ambassadeur de l'UNESCO) et de l'amitié entre les peuples - de faire ça pour le "business". Dans une situation où des synagogues ont été incendiées et des tombes juives profanées, M.Boujenah, en homme public responsable, à un été un des premier à répondre à l'appel lancé par l'Union des Etudiants Juifs de France et SOS racisme pour renouer le dialogue entre les communautés juives et arabo-musulmane. Michel Boujenah a ainsi montré qu'il est conscient de son rôle citoyen: ne pas faire évoluer un conflit politique local en une guerre de religion.
Enfin, je m'interroge sur le choix éditorial qui a été le vôtre en invitant M. Bouras pour défendre les Palestiniens. La cause palestinienne est légitime et nombreuses sont les personnalités qui savent la défendre et en parler sans tomber dans un discours extrémiste et dangereux (à l'instar de Michel Boujenah sur Israël).
En choisissant de faire parler un sportif aigri et extrémiste sur un problème géopolitique complexe, la formule de votre émission, fondée sur le mélange des personnalités provenant de différents backgrounds, a montré ses limites et ses dangers.
La responsabilité de votre équipe est écrasante puisque autant l'intervention de M. Boujenah était spontanée (et modérée), autant celle de M. Bouras était visiblement préparée dans le but de montrer un musulman affronter un juif (alors que nous avons tant besoin de les voir oeuvrer dans le même sens). Cette politique délibérée alimente des querelles nauséabondes et déplacées.
Patrick Klugman
Vice président de l'UEJF
(Union des étudiants Juifs de France)
30 octobre 2000
M. Djamel Bouras [champion de Judo] a été invité sur le plateau de "Tout le monde en parle" [animée par Thierry Ardisson], dans l'émission du 28/10/2000. S'exprimant sur le conflit israelo-palestinien, il a tenu des propos diffamatoires et mensongers.
Tout d'abord, Djamel Bouras a manifestement démontré qu'il n'était pas qualifié pour aborder ce sujet. Voici quelques fausses affirmations que j'ai pu relever:
1. Selon M. Bouras, M. Sharon serait l'auteur du massacre de Sabra et Shatila commis au Liban en 1982. Il devrait savoir que ce sont des milices chrétiennes libanaises qui sont entrées dans le camp de Sabra et Shatila, et non M Sharon ou un quelconque soldat israelien. Ce que les israéliens eux mêmes ont reproché à M.Sharon, c'est son inaction devant le massacre. En outre, au lieu de brandir des journaux à l'antenne, il ferait mieux de les lire. Il aurait au moins su que cette "provocation"( marche sur l'esplanade) a été autorisée par écrit par le Waqf, l'organisme musulman qui gère les lieux saints de l'islam en Israël.
2. Pour M. Bouras, le lynchage à mort de deux soldats israéliens ne soulève aucune réprobation: ceux-là ne sont pas des hommes mais des "soldats", et de toute façon ils ne se seraient pas trompés de route mais bien "infiltrés volontairement en territoire sous autonomie palestinienne". Ce droit au massacre est une lecture intéressante et inédite de la convention de Genève.
3. Pour M.Bouras, la puissance d'Israël ne fait aucun doute puisque celle-ci est l'alliée du "chef du monde", les E-U qui lui fournissent des subsides. En géopoliticien averti, il devrait savoir que l'aide des E-U à Israël, 1 milliard de $ par an, est donnée à l'Égypte dans les mêmes proportions depuis les accords de camp David 1. Par ailleurs, depuis 1994, les E-U sont les premiers contributeurs pour le fonds d'aide aux Palestiniens. Depuis 1994, 2. 5 milliards de $ ont déjà été déboursés et 1.2 milliard doit encore être versé d'ici à fin 2001. (Source: Martin Gilbert, Atlas of the Arab Israeli Conflict, Routledege edition, Londres, 1998).
Puisque Djamel Bouras, se propose de comparer le niveau de vie des Palestiniens et des Israéliens, je lui propose de comparer également les patrimoines respectifs des dirigeants politiques israéliens et de ceux de l'OLP. Selon la CIA, l'OLP à travers un système occulte auquel seul Arafat et quelques proches ont accès, dispose de 2 à 25 milliards de $ de capital. Cela bien sur sans compter les aides et subventions précitées.
Cependant, le discours qu'il [Djamel Bouras] a tenu à l'encontre de MM. Boujenah et Macias dépasse de loin la divergence idéologique et glisse dangereusement de l'antisionisme à un racisme antijuif (étant lui même "sémite", il récuse le terme d'antisémite).
En s'interrogeant ouvertement sur leur nationalité, ("sont-ils israéliens, tunisiens, algériens (...) ?") il remet en cause la citoyenneté des juifs français acquise en 1791. La théorie de "la double allégeance" qui inspire ses propos nous renvoie à l'anthologie de la propagande antisémite pure et simple (appelons un chat un chat et un antisémite un antisémite).
Il tombe dans la plus misérable des calomnies quand il accuse M. Macias - qui est un partisan de toujours de la fraternité entre juifs et arabes (ambassadeur de l'UNESCO) et de l'amitié entre les peuples - de faire ça pour le "business". Dans une situation où des synagogues ont été incendiées et des tombes juives profanées, M.Boujenah, en homme public responsable, à un été un des premier à répondre à l'appel lancé par l'Union des Etudiants Juifs de France et SOS racisme pour renouer le dialogue entre les communautés juives et arabo-musulmane. Michel Boujenah a ainsi montré qu'il est conscient de son rôle citoyen: ne pas faire évoluer un conflit politique local en une guerre de religion.
Enfin, je m'interroge sur le choix éditorial qui a été le vôtre en invitant M. Bouras pour défendre les Palestiniens. La cause palestinienne est légitime et nombreuses sont les personnalités qui savent la défendre et en parler sans tomber dans un discours extrémiste et dangereux (à l'instar de Michel Boujenah sur Israël).
En choisissant de faire parler un sportif aigri et extrémiste sur un problème géopolitique complexe, la formule de votre émission, fondée sur le mélange des personnalités provenant de différents backgrounds, a montré ses limites et ses dangers.
La responsabilité de votre équipe est écrasante puisque autant l'intervention de M. Boujenah était spontanée (et modérée), autant celle de M. Bouras était visiblement préparée dans le but de montrer un musulman affronter un juif (alors que nous avons tant besoin de les voir oeuvrer dans le même sens). Cette politique délibérée alimente des querelles nauséabondes et déplacées.
Patrick Klugman
Vice président de l'UEJF
(Union des étudiants Juifs de France)
Extrait du "Guide des résistances à l’extrême droite" de Manuel Abramowicz (Résistances aux Editions Labor, 2005)
Antisémitisme
L’apogée de l’antisémitisme fut le génocide commis par la dictature nazie, avec la complicité des autorités collaborationnistes de plusieurs pays européens, durant la Deuxième Guerre mondiale. L’antisémitisme est le racisme qui vise exclusivement les Juifs. Il se nourrit aussi parfois d’un anti-judaïsme (hostilité à l’égard de la religion juive). Le rejet des Juifs (peuple à la base de la première religion monothéiste, source également du Christianisme et de l’Islam) s’est développé après l’invasion de la Palestine antique et la destruction du royaume d’Israël par les armées romaines.
Depuis lors, l’antisémitisme existe dans le monde entier et a pour caractéristique d’accuser les Juifs de tous les crimes. Au nombre de ceux-ci, il y a, bien sûr, le meurtre de Jésus, un mythe (celui du « peuple déicide ») qui a la vie dure, malgré le fait que le Vatican ait atténué l’accusation. Le dernier film de Mel Gibson « La Passion du Christ », sorti sur les écrans belges en avril 2004 et soutenu par les intégristes chrétiens (de l’Opus Dei, de la Fraternité Saint-Pie X, de Belgique et Chrétienté…), s’est fait le relais de la thèse du « peuple déicide ».
Dans les écrits antisémites d’aujourd’hui, les Juifs – désignés derrière des euphémismes comme « apatrides », « cosmopolites »… - sont toujours accusés de vouloir contrôler le monde. On leur impute d’être les représentants de la « Haute Finance, vagabonde et anonyme ». Au début des années nonante, un tract du Vlaams Blok reprenait cette image du « juif international » visant à détruire l’« Europe blanche ». Cette image de propagande fut celle des nazis pour justifier les hostilités qui débouchèrent sur le second conflit mondial !
L’antisémitisme a toujours été exploité à des fins politiques par différents milieux (religieux comme idéologiques). Ainsi, il est aussi bien cultivé dans des organisations d’extrême droite, traditionalistes chrétiennes que dans des mouvements intégristes musulmans. Après le début de la seconde Intifada, en octobre 2000, dans les territoires palestiniens illégalement occupés par Israël, l’exportation chez nous du conflit israélo-palestinien a donné lieu à l’apparition d’une nouvelle vague antisémite, essentiellement portée au sein d’une fraction de jeunes maghrébins.
Face à cet inquiétant constat et des actions violentes contre les communautés juives (ratonnades, attaques aux cocktails Molotov contre des synagogues…), des mouvements et des intellectuels progressistes nord-africains se sont opposés publiquement à l’antisémitisme. Sans nier pour autant une présence antisémite de type culturel, des initiatives judéo-arabes sont même nées pour contrecarrer la propagande antisémite des fondamentalistes islamiques. Des artistes belgo-maghrébins, comme le chanteur Mousta Largo ou le comédien Sam Touzani, se sont érigés vigoureusement pour dénoncer le racisme anti-Juifs. Pendant ce temps, au sein de l’extrême droite et des milieux intégristes chrétiens, il va se renforcer et perdurer.
L’apogée de l’antisémitisme fut le génocide commis par la dictature nazie, avec la complicité des autorités collaborationnistes de plusieurs pays européens, durant la Deuxième Guerre mondiale. L’antisémitisme est le racisme qui vise exclusivement les Juifs. Il se nourrit aussi parfois d’un anti-judaïsme (hostilité à l’égard de la religion juive). Le rejet des Juifs (peuple à la base de la première religion monothéiste, source également du Christianisme et de l’Islam) s’est développé après l’invasion de la Palestine antique et la destruction du royaume d’Israël par les armées romaines.
Depuis lors, l’antisémitisme existe dans le monde entier et a pour caractéristique d’accuser les Juifs de tous les crimes. Au nombre de ceux-ci, il y a, bien sûr, le meurtre de Jésus, un mythe (celui du « peuple déicide ») qui a la vie dure, malgré le fait que le Vatican ait atténué l’accusation. Le dernier film de Mel Gibson « La Passion du Christ », sorti sur les écrans belges en avril 2004 et soutenu par les intégristes chrétiens (de l’Opus Dei, de la Fraternité Saint-Pie X, de Belgique et Chrétienté…), s’est fait le relais de la thèse du « peuple déicide ».
Dans les écrits antisémites d’aujourd’hui, les Juifs – désignés derrière des euphémismes comme « apatrides », « cosmopolites »… - sont toujours accusés de vouloir contrôler le monde. On leur impute d’être les représentants de la « Haute Finance, vagabonde et anonyme ». Au début des années nonante, un tract du Vlaams Blok reprenait cette image du « juif international » visant à détruire l’« Europe blanche ». Cette image de propagande fut celle des nazis pour justifier les hostilités qui débouchèrent sur le second conflit mondial !
L’antisémitisme a toujours été exploité à des fins politiques par différents milieux (religieux comme idéologiques). Ainsi, il est aussi bien cultivé dans des organisations d’extrême droite, traditionalistes chrétiennes que dans des mouvements intégristes musulmans. Après le début de la seconde Intifada, en octobre 2000, dans les territoires palestiniens illégalement occupés par Israël, l’exportation chez nous du conflit israélo-palestinien a donné lieu à l’apparition d’une nouvelle vague antisémite, essentiellement portée au sein d’une fraction de jeunes maghrébins.
Face à cet inquiétant constat et des actions violentes contre les communautés juives (ratonnades, attaques aux cocktails Molotov contre des synagogues…), des mouvements et des intellectuels progressistes nord-africains se sont opposés publiquement à l’antisémitisme. Sans nier pour autant une présence antisémite de type culturel, des initiatives judéo-arabes sont même nées pour contrecarrer la propagande antisémite des fondamentalistes islamiques. Des artistes belgo-maghrébins, comme le chanteur Mousta Largo ou le comédien Sam Touzani, se sont érigés vigoureusement pour dénoncer le racisme anti-Juifs. Pendant ce temps, au sein de l’extrême droite et des milieux intégristes chrétiens, il va se renforcer et perdurer.
Licra
Smadi 20 Janvier 2006
45e congrès de la LICRA (Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme) à la Maison du Barreau à Paris.
Le congrès marque les 80 ans de l’association.
Le thème est "la montée des extrémistes et des fanatismes en Europe".
45e congrès de la LICRA (Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme) à la Maison du Barreau à Paris.
Le congrès marque les 80 ans de l’association.
Le thème est "la montée des extrémistes et des fanatismes en Europe".
Les soldats et le sable
Ecrit en 1967
Oui, je défendrai le sable d'Israël, La terre d'Israël, les enfants d'Israël;
Quitte à mourir pour le sable d'Israël, La terre d'Israël, les enfants d'Israël;
Je défendrai contre tout ennemi, Le sable et la terre, qui m'étaient promis Quitte à mourir pour le sable d'Israël, Les villes d'Israël, le pays d'Israël;
Tous les Goliaths venus des pyramides, Reculeront devant l'étoile de David...
Oui, je défendrai le sable d'Israël, La terre d'Israël, les enfants d'Israël;
Quitte à mourir pour le sable d'Israël, La terre d'Israël, les enfants d'Israël;
Je défendrai contre tout ennemi, Le sable et la terre, qui m'étaient promis Quitte à mourir pour le sable d'Israël, Les villes d'Israël, le pays d'Israël;
Tous les Goliaths venus des pyramides, Reculeront devant l'étoile de David...
Playdoyer pour ma terre
11 Nvembre 1975
Hier, j'étais dans le métro et j'entends deux dames dire :
"T'as vu encore ces Juifs avec leurs histoires à l'O.N.U.Quels emmerdeurs !
"C'est vrai.Nous sommes des emmerdeurs.Ça fait des siècles qu'on emmerde le monde.
C'est dans notre nature, que voulez-vous !Abraham avec son D'ieu unique, Moïse avec ses Tables de la Loi, Jésus avec son autre joue toujours prête à la deuxième baffe.
Puis Freud, Marx, Einstein, tous ont été des gêneurs, des révolutionnaires, des ennemis de l'Ordre.
Pourquoi? Parce qu'aucun ordre, quel que fut le siècle, ne pouvait les satisfaire, puisqu'ils en étaient toujours exclus.
Remettre en question, voir plus loin,changer le monde pour changer de destin, tel fut le destin de mes Ancêtres.
C'est pourquoi ils sont haïs par les défenseurs de tous les ordres établis.
L'antisémite de droite reproche aux Juifs d'avoir fait la révolution bolchévique.
C'est vrai, il y en avait beaucoup, en 1917.
L'antisémite de gauche reproche aux Juifs d'être les propriétaires de Manhattan.
C'est vrai, il y a beaucoup de capitalistes juifs.
La raison est simple :la religion, la culture, l'idéal révolutionnaire d'un côté, les portefeuilles et les banques de l'autre,sont les seules valeurs transportables,les seules patries possibles pour ceux qui n'ont pas de patrie.
Et maintenant qu'il en existe une, l'antisémitisme renaît de ses cendres...- pardon ! de nos cendres -et s'appelle antisionisme.
Il s'appliquait aux individus, il s'applique à une nation.
Israël est un ghetto,Jérusalem, c'est Varsovie...
Les nazis qui nous assiègent parlent l'arabe.Et si leur croissant se déguise parfois en fauçille, c'est pour mieux piéger les Gauches du monde entier.
Moi qui suis un Juif de gauche, je n'en ai rien à faire d'une certaine gauche qui veut libérer tous les hommes du monde aux dépens de certains d'entre eux, car je suis précisément de ceux-là.
D'accord pour la lutte des classes,mais aussi pour le droit à la différence.
Si la gauche veut me compter parmi les siens,elle ne peut pas faire l'économie de mon problème.
Et mon problème est que depuis les déportations romaines du 1er siècle après Jésus-Christ, nous avons été partout honnis, bannis, traqués, dénoncés, écrasés, spoliés, brûlés et convertis de force.
Pourquoi? Parce que notre religion, c'est-à-dire notre culture était dangereuse.
Eh oui!
Quelques exemples...
Le judaïsme a été le premier à créer le Chabbat, jour du Seigneur,c'est-à-dire le jour de repos hebdomadaire obligatoire.
Vous imaginez la joie des pharaons, toujours en retard d'une pyramide !
Le judaïsme interdit l'esclavage.
Vous imaginez la sympathie des Romains,les plus importants grossistes de main-d'oeuvre gratuite de l'Antiquité !
Il est dit dans la Bible :"La terre n'appartient pas à l'homme, mais à D'ieu."De cette phrase découle une loi,celle de la remise en question automatiquede la propriété foncière tous les 49 ans.
Vous voyez l'effet d'une loi pareille sur les papes du Moyen Âge et les bâtisseurs d'empire de la Renaissance !
Il ne fallait pas que les peuples sachent.
On commença par interdire la Bible, puis ce furent les médisances, des murs de calomnies qui devinrent murs de pierreset qu'on appela ghettos.
Ensuite ce fut l'Inquisition, les bûchers et plus tard les étoiles jaunes.
Auschwitz n'est qu'un exemple industriel de génocide, mais il y a eu des génocides artisanaux par milliers.
J'en aurais pour trois jours rien qu'a nommer tous les pogroms d'Espagne, de Russie, de Pologne et d'Afrique du Nord.
À force de fuir, de bouger, le Juif est allé partout.
On extrapole et voilà : il n'est de nulle part.
Nous sommes parmi les peuples comme l'enfant à l'assistance publique.
Je ne veux plus être adopté.
Je ne veux plus que ma vie dépende de l'humeur de mes propriétaires.
Je ne veux plus être un citoyen-locataire.
J'en ai assez de frapper aux portes de l'Histoire et d'attendre qu'on me dise : "Entrez."
Je rentre et je gueule !
Je suis chez moi sur terre et sur terre j'ai ma terre :elle m'a été promise, elle sera maintenue.
Qu'est ce que le Sionisme?
Ça se réduit à une simple phrase :"L'an prochain à Jérusalem."
Non, ce n'est pas un slogan du Club Méditerranée.
C'est écrit dans la Bible,le livre le plus vendu et le plus mal lu du monde.
Et cette prière est devenue un cri,un cri qui a plus de 2000 ans,et le père de Christophe Colomb,de Kafka, de Proust, de Chagall, de Marx, d'Einstein et même de monsieur Kissinger, l'ont répétée, cette phrase, ce cri,au moins une fois par an, le jour de Pâques.
Alors le Sionisme, c’est du racisme ?
Faites moi rire !Est-ce que : "Douce France, cher pays de mon enfance" est un hymne raciste ?Le Sionisme, c'est le nom d'un combat de libération.
Dans le monde, chacun a ses Juifs.
Les Français ont les leurs : ce sont les Bretons, les Occitans, les Corses, les travailleurs immigrés.
Les Italiens ont les Siciliens, les Yankees ont leurs Noirs, les Espagnols leurs Basques.
Nous, nous sommes les Juifs de TOUS.
À ceux qui me disent :
"Et les Palestiniens ?",je réponds : "Je suis un Palestinien d'il y a 2000 ans.Je suis l'opprimé le plus vieux du monde.
"Je discuterai avec eux, mais je ne leur céderai pas ma place.
Il y a là-bas de la place pour deux peuples et deux nations.
Les frontières sont à déterminer ensemble.
Mais l'existence d'un pays ne peut en aucun cas exclure l'existence de l'autreet les options politiques d'un gouvernement n'ont jamais remis en cause l'existence d'une nation, quelle qu'elle soit.
Alors pourquoi Israël ?
Quand Israël sera hors de danger, je choisirai parmi les Juifs et mes voisins arabes, ceux qui me sont frères par les idées.
Aujourd'hui, je me dois d'être solidaire avec tous les miens,même ceux que je déteste, au nom de cet ennemi insurmontable : le RACISME.
Descartes avait tort :je pense donc je suis, ça ne veut rien dire.Nous, ça fait 5000 ans qu'on pense, et nous n'existons toujours pas.Je me défends, donc je suis.
19/01/2007
"Diaspora" le remix musulman des protocoles des sages de Sion, ce fameux faux antisémite.
Diffusé sur une chaine arabe pour le Ramadan, ce film raciste et haineux a été vu par des millions de téléspectateurs. c'est un fim culte au sein du monde musulman !
18/01/2007
Hommage aux Justes des Nations - Panthéon le 18 janvier 2007 à 18h
Jacques Chirac a dit sur le négationnisme que c'était la "plus ignoble et la plus abjecte" forme d'antisémitisme
Sur le site http://www.lexpress.fr
© Jacky Naegelen/AFP
ALLOCUTION DU PRESIDENT Jacques CHIRAC
Monsieur le Premier ministre,
Monsieur le Président du Sénat,
Monsieur le Président de l’Assemblée nationale,
Mesdames et Messieurs les ministres,
Messieurs les Premiers ministres,
Mesdames et Messieurs les parlementaires,
Madame la Présidente de la Fondation pour la mémoire de la Shoah, chère Simone Veil,
Monsieur le Président de Yad Vashem,
Monsieur le Grand Rabbin de France,
Mesdames et Messieurs,
Il y a 65 ans, dans l’Europe presque entièrement asservie, la barbarie nazie décide l’exécution de la solution finale. Une idéologie effroyable fait régner la terreur : une idéologie raciste, fondée sur cette croyance criminelle et folle selon laquelle certains hommes seraient par nature "supérieurs" à d’autres. Et cela, au cœur d’un continent qui se considère comme l’aboutissement de la civilisation…
Innombrables sont celles et ceux que les nazis condamnent à mort a priori, à cause de leur origine, comme les Tziganes, à cause de leurs convictions religieuses ou politiques, de leurs préférences sexuelles, de leur handicap. Mais c’est contre les Juifs que se déchaîne avec le plus de cruauté et de violence systématique la folie nazie. Ce sont eux qui payent le tribut le plus effrayant : six millions d’êtres humains assassinés dans des conditions inexprimables. La quasi-disparition des Juifs d’Europe. La Shoah.
Comme dans un cauchemar, l’Occident se trouve renvoyé aux temps les plus noirs de la barbarie. À travers la destruction des Juifs, c’est au fond toute la civilisation judéo-chrétienne, toute la civilisation européenne, vieille de plusieurs millénaires, qu’Hitler veut abattre : l’invention à Athènes de la démocratie, l’éclosion à Rome d’une civilisation fondée sur le droit, le message humaniste des Lumières au XVIIIe siècle.
En France même, le pays des Lumières et des droits de l’Homme, le pays où tant de grands hommes se sont levés pour l’honneur du capitaine Dreyfus, le pays qui a porté Léon Blum à la tête du gouvernement, en France, un sombre linceul de résignation, de lâcheté, de compromissions recouvre les couleurs de la liberté, de l’égalité et de la fraternité. Le pouvoir de Vichy se déshonore, édictant de sa propre initiative, dès le 3 octobre 1940, le sinistre Statut des Juifs, qui les exclut de presque toutes les fonctions. Les Juifs de France sont d’autant plus stupéfaits de cet antisémitisme d’État que leur pays est celui qui le premier en Europe, dès 1791, leur a accordé les droits des citoyens. Ils aiment leur patrie avec passion. Ils se sont battus pour elle, comme Marc Bloch et tant d’autres, en 1914 et en 1939 : soudain, devant leurs yeux incrédules, la République abdique, rend les armes à Pétain et à Laval, cède la place à une clique revancharde et haineuse.
Voilà 65 ans, en France, il y a la honte du premier convoi de déportation, le 27 mars 1942. Il y a l’ordonnance allemande du 7 juin et l’ignominie de l’étoile jaune. Il y a le crime irréparable du Vel d’Hiv’, les 16 et 17 juillet. Il y a, du 26 au 28 août, la rafle de milliers de Juifs étrangers en zone libre.
Mesdames et Messieurs,
Il y a les ténèbres. Mais il y a aussi la lumière. La France affamée, terrorisée, coupée en deux par la ligne de démarcation, est étourdie par l’ampleur de la défaite. Mais très vite, des voix s’élèvent. Dès le 11 novembre 1940, de Gaulle écrit de Libreville au Congrès juif mondial que le statut des Juifs n’aura aucune validité dans la France libre. Il fustige la violation, par Vichy, "des principes de liberté et de justice égale, sur lesquels la République française était fondée". Puis, dans le pire effondrement de notre histoire, alors même que la Wehrmacht semble encore invincible, des Françaises et des Français en très grand nombre vont montrer que les valeurs de l’humanisme sont enracinées dans leurs âmes. Partout, ils accueillent, cachent, sauvent au péril de leur vie des enfants, des femmes, des hommes, persécutés parce qu’ils sont Juifs. Dans ce cauchemar éveillé que les Juifs vivent depuis 1940, la France, leur France, à laquelle ils ont cru si intensément, n’a pas disparu. Dans les profondeurs du pays, une lueur d’espoir se fait jour. Elle est fragile, vacillante. Mais elle existe.
Il y a cette secrétaire de mairie qui fournit des papiers à des familles juives, et convainc les habitants du village de partager leurs tickets d’alimentation : le courage d’une seule personne a cristallisé la générosité de tous. Il y a ce couple d’hôteliers qui trouve sur le pas de sa porte un homme échappé d’une rafle, affamé et épuisé : ils l’hébergent pendant deux de ces années terribles. Il y a ce boulanger qui reconnaît un adolescent arrêté et avertit le directeur de son école : prévenu, un officier de gendarmerie, membre de la Résistance, libère le jeune homme. Grâce à cette chaîne humaine de solidarité et de courage, une vie est sauvée. Il y a ce professeur de latin qui, jusqu’au bout, tente de protéger l’élève qu’il a présenté au concours général. Il y a cette concierge qui entend le crissement des freins des camions allemands, fait le tour des occupants juifs de son immeuble pour leur dire de rester silencieux derrière leurs portes closes, et les sauve ainsi de la déportation. Il y a le pasteur Trocmé, qui entraîne avec lui, dans l’accueil de centaines de Juifs en fuite, tout un village, tout un plateau de Haute-Loire : Le Chambon-sur-Lignon, dont le nom résonne aujourd'hui dans nos cœurs. Il y a ces sœurs qui abritent, dans leurs couvents, dans leurs pensionnats, des enfants juifs. Il y a ces curés savoyards, devenus par la force des choses passeurs professionnels, qui emmènent les réfugiés de l’autre côté de la frontière. Il y a ce général commandant une région militaire qui refuse de prêter sa troupe pour surveiller l’embarquement de déportés, ce qui lui vaut une révocation immédiate. Il y a tous ces paysans, que nous a montrés avec tant d’émotion Agnès Varda, qui accueillent, aiment et protègent de si nombreux enfants.
Il y en a tant et tant d’autres, dans toutes les classes sociales, dans toutes les professions, de toutes les convictions. Des milliers de Françaises et de Français, qui sans s’interroger, font le choix du bien. Quel courage, quelle grandeur d’âme il leur a fallu ! Tous connaissaient les risques encourus : l’irruption brutale de la Gestapo. L’interrogatoire. La torture. Parfois même, la déportation et la mort.
Certains furent reconnus Justes parmi les nations. D’autres resteront anonymes, soit qu’ils aient laissé leur vie en aidant l’autre, soit que, dans leur modestie, ils n’aient même pas songé à faire valoir leurs actes. Certains sont ici aujourd'hui, ainsi que ceux qu’ils ont sauvés. Je les salue tous, avec un infini respect. En France, grâce à cette solidarité agissante, selon le beau mot de Serge Klarsfeld, les Justes ont contribué à protéger les trois quarts de la population juive d’avant-guerre de la déportation, c'est-à-dire d’une mort presque certaine : sur plus de 75.000 déportés, seuls revinrent quelque 2.500 survivants. Et après quelles souffrances indicibles : vous pouvez en témoigner, chère Simone Veil, vous dont le courage, en toute occasion, est un exemple. La majorité des Juifs assassinés ont été livrés aux Allemands par Vichy et par les collaborateurs. Mais la plupart des Juifs sauvés le furent par des Français.
Aujourd'hui, pour cet hommage de la nation aux Justes de France, reconnus ou anonymes, nous sommes rassemblés pour évoquer notre passé, mais aussi pour enrichir notre présent et notre avenir. "Quiconque sauve une vie sauve l’univers tout entier", dit le Talmud, devise qui orne la médaille des Justes. Il faut en comprendre toute la force : en sauvant une personne, chaque Juste a en quelque sorte sauvé l’humanité. Cette mémoire, soyez-en certains, soyez-en fiers, perdurera de génération en génération.
Par ce geste, vous nous incitez aussi à interroger notre conscience. Qu’est-ce qui fait que, confronté à un choix crucial, quelqu’un agit selon son devoir, c'est-à-dire en considérant l’autre pour ce qu’il est, une personne humaine avant tout ? Pour certains Justes, c’est une question de conviction religieuse, et ceux-là, n’en doutons pas, entendent le message de l’Église dans sa vérité. D’autres, parfois les mêmes, appartiennent à des groupes longtemps opprimés, comme les protestants, ou sont viscéralement hostiles à la politique de Vichy. Mais, pour tous, c’est une réaction venue du plus profond du cœur, expression la plus haute de ce que l’on nomme la charité.
Toutes et tous, ils ont eu, vous avez eu le courage de voir et de comprendre la détresse avec les yeux du cœur. Ce courage anime Monseigneur Saliège, archevêque de Toulouse, qui a été pour beaucoup dans la prise de conscience des catholiques de France. Infirme, reclus dans son palais épiscopal, il sait pourtant rendre concrètes, dans son admirable lettre pastorale, les souffrances injustifiables endurées par ces êtres coupables du seul crime d’être nés. Ce courage de voir et de comprendre avec les yeux du cœur, on le trouve partout : chez ce voisin d’immeuble, que l’on connaît à peine et qui, sans poser de question, accueille votre famille alors que la milice frappe aux portes.
Vous, Justes de France, vous avez transmis à la nation un message essentiel, pour aujourd'hui et pour demain : le refus de l’indifférence, de l’aveuglement. L’affirmation dans les faits que les valeurs ne sont pas des principes désincarnés, mais qu’elles s’imposent quand une situation concrète se présente et que l’on sait ouvrir les yeux.
Plus que jamais, nous devons écouter votre message : le combat pour la tolérance et la fraternité, contre l’antisémitisme, les discriminations, le racisme, tous les racismes, est un combat toujours recommencé. Si l’antisémitisme s’est déchaîné dans les années 1930 et 1940, c’est faute d’avoir été condamné avec la fermeté nécessaire. C’est parce qu’il a été en quelque sorte toléré comme une opinion parmi d’autres. Telle est la leçon de ces années noires : si l’on transige avec l’extrémisme, il faut bien le mesurer, on lui offre un terreau pour prospérer, et tôt ou tard on en paye le prix. Face à l’extrémisme, il n’y a qu’une attitude : le refus, l’intransigeance. Et c’est sans merci qu’il faut lutter contre le négationnisme, crime contre la vérité, perversion absolue de l’âme et de l’esprit, forme la plus ignoble, la plus abjecte de l’antisémitisme.
Mesdames et Messieurs,
Les Justes ont fait le choix de la fraternité et de la solidarité. Ils incarnent l’essence même de l’homme : le libre arbitre. La liberté de choisir entre le bien et le mal, selon sa conscience. À tous, en ce lieu où elle honore ses grands hommes, la nation rend aujourd'hui le témoignage de son respect et de son estime. Vous incarnez aussi la France dans ce qu’elle a de plus universel, dans la fidélité aux principes qui la constituent. Grâce à vous, grâce à d’autres héros à travers les siècles, nous pouvons regarder la France au fond des yeux, et notre histoire en face : parfois, on y voit des moments profondément obscurs. Mais on y voit aussi et surtout le meilleur et le plus glorieux. Notre histoire, il faut la prendre comme un bloc. Elle est notre héritage, elle est notre identité. C’est à partir d’elle, et en traçant de nouveaux chemins, que nous pouvons nous engager tête haute dans les voies de l’avenir. Oui, nous pouvons être fiers de notre histoire ! Oui, nous pouvons être fiers d’être Français !
Ce que nous enseignent aussi l’effondrement de la République en juin 1940, l’illusion tragique du recours à Pétain et le déshonneur de Vichy, c’est à quel point une nation est fragile. Dans le confort de nos certitudes d’aujourd'hui, beaucoup ont le sentiment que la France est éternelle, que la démocratie est naturelle, que la solidarité et la fraternité peuvent se résumer au système de sécurité sociale. Dans une société qui, malgré ses difficultés, est prospère et stable, l’idée du bonheur semble trop souvent se ramener à la satisfaction de besoins matériels. Nous devons entendre votre message. Une nation, c’est une communauté de femmes et d’hommes solidaires, liés par des valeurs et un destin communs. Chacun est dépositaire d’une parcelle de la communauté nationale, et celle-ci n’existe que si chacun s’en sent pleinement responsable. À un moment où montent l’individualisme et la tentation des antagonismes, ce que nous devons voir, dans le miroir que nous tend le visage de chaque être humain, ce n’est pas sa différence, mais ce qu’il y a d’universel en lui. À ceux qui s’interrogent sur ce que c’est d’être Français, à ceux qui s’interrogent sur ce que sont les valeurs universelles de la France, vous, les Justes, avez apporté la plus magnifique des réponses, au moment le plus noir de notre histoire.
Au nom de la France, au nom de la nation tout entière, je m’incline aujourd'hui devant vous avec respect et reconnaissance.
Sur le site http://www.lexpress.fr
© Jacky Naegelen/AFP
ALLOCUTION DU PRESIDENT Jacques CHIRAC
Monsieur le Premier ministre,
Monsieur le Président du Sénat,
Monsieur le Président de l’Assemblée nationale,
Mesdames et Messieurs les ministres,
Messieurs les Premiers ministres,
Mesdames et Messieurs les parlementaires,
Madame la Présidente de la Fondation pour la mémoire de la Shoah, chère Simone Veil,
Monsieur le Président de Yad Vashem,
Monsieur le Grand Rabbin de France,
Mesdames et Messieurs,
Il y a 65 ans, dans l’Europe presque entièrement asservie, la barbarie nazie décide l’exécution de la solution finale. Une idéologie effroyable fait régner la terreur : une idéologie raciste, fondée sur cette croyance criminelle et folle selon laquelle certains hommes seraient par nature "supérieurs" à d’autres. Et cela, au cœur d’un continent qui se considère comme l’aboutissement de la civilisation…
Innombrables sont celles et ceux que les nazis condamnent à mort a priori, à cause de leur origine, comme les Tziganes, à cause de leurs convictions religieuses ou politiques, de leurs préférences sexuelles, de leur handicap. Mais c’est contre les Juifs que se déchaîne avec le plus de cruauté et de violence systématique la folie nazie. Ce sont eux qui payent le tribut le plus effrayant : six millions d’êtres humains assassinés dans des conditions inexprimables. La quasi-disparition des Juifs d’Europe. La Shoah.
Comme dans un cauchemar, l’Occident se trouve renvoyé aux temps les plus noirs de la barbarie. À travers la destruction des Juifs, c’est au fond toute la civilisation judéo-chrétienne, toute la civilisation européenne, vieille de plusieurs millénaires, qu’Hitler veut abattre : l’invention à Athènes de la démocratie, l’éclosion à Rome d’une civilisation fondée sur le droit, le message humaniste des Lumières au XVIIIe siècle.
En France même, le pays des Lumières et des droits de l’Homme, le pays où tant de grands hommes se sont levés pour l’honneur du capitaine Dreyfus, le pays qui a porté Léon Blum à la tête du gouvernement, en France, un sombre linceul de résignation, de lâcheté, de compromissions recouvre les couleurs de la liberté, de l’égalité et de la fraternité. Le pouvoir de Vichy se déshonore, édictant de sa propre initiative, dès le 3 octobre 1940, le sinistre Statut des Juifs, qui les exclut de presque toutes les fonctions. Les Juifs de France sont d’autant plus stupéfaits de cet antisémitisme d’État que leur pays est celui qui le premier en Europe, dès 1791, leur a accordé les droits des citoyens. Ils aiment leur patrie avec passion. Ils se sont battus pour elle, comme Marc Bloch et tant d’autres, en 1914 et en 1939 : soudain, devant leurs yeux incrédules, la République abdique, rend les armes à Pétain et à Laval, cède la place à une clique revancharde et haineuse.
Voilà 65 ans, en France, il y a la honte du premier convoi de déportation, le 27 mars 1942. Il y a l’ordonnance allemande du 7 juin et l’ignominie de l’étoile jaune. Il y a le crime irréparable du Vel d’Hiv’, les 16 et 17 juillet. Il y a, du 26 au 28 août, la rafle de milliers de Juifs étrangers en zone libre.
Mesdames et Messieurs,
Il y a les ténèbres. Mais il y a aussi la lumière. La France affamée, terrorisée, coupée en deux par la ligne de démarcation, est étourdie par l’ampleur de la défaite. Mais très vite, des voix s’élèvent. Dès le 11 novembre 1940, de Gaulle écrit de Libreville au Congrès juif mondial que le statut des Juifs n’aura aucune validité dans la France libre. Il fustige la violation, par Vichy, "des principes de liberté et de justice égale, sur lesquels la République française était fondée". Puis, dans le pire effondrement de notre histoire, alors même que la Wehrmacht semble encore invincible, des Françaises et des Français en très grand nombre vont montrer que les valeurs de l’humanisme sont enracinées dans leurs âmes. Partout, ils accueillent, cachent, sauvent au péril de leur vie des enfants, des femmes, des hommes, persécutés parce qu’ils sont Juifs. Dans ce cauchemar éveillé que les Juifs vivent depuis 1940, la France, leur France, à laquelle ils ont cru si intensément, n’a pas disparu. Dans les profondeurs du pays, une lueur d’espoir se fait jour. Elle est fragile, vacillante. Mais elle existe.
Il y a cette secrétaire de mairie qui fournit des papiers à des familles juives, et convainc les habitants du village de partager leurs tickets d’alimentation : le courage d’une seule personne a cristallisé la générosité de tous. Il y a ce couple d’hôteliers qui trouve sur le pas de sa porte un homme échappé d’une rafle, affamé et épuisé : ils l’hébergent pendant deux de ces années terribles. Il y a ce boulanger qui reconnaît un adolescent arrêté et avertit le directeur de son école : prévenu, un officier de gendarmerie, membre de la Résistance, libère le jeune homme. Grâce à cette chaîne humaine de solidarité et de courage, une vie est sauvée. Il y a ce professeur de latin qui, jusqu’au bout, tente de protéger l’élève qu’il a présenté au concours général. Il y a cette concierge qui entend le crissement des freins des camions allemands, fait le tour des occupants juifs de son immeuble pour leur dire de rester silencieux derrière leurs portes closes, et les sauve ainsi de la déportation. Il y a le pasteur Trocmé, qui entraîne avec lui, dans l’accueil de centaines de Juifs en fuite, tout un village, tout un plateau de Haute-Loire : Le Chambon-sur-Lignon, dont le nom résonne aujourd'hui dans nos cœurs. Il y a ces sœurs qui abritent, dans leurs couvents, dans leurs pensionnats, des enfants juifs. Il y a ces curés savoyards, devenus par la force des choses passeurs professionnels, qui emmènent les réfugiés de l’autre côté de la frontière. Il y a ce général commandant une région militaire qui refuse de prêter sa troupe pour surveiller l’embarquement de déportés, ce qui lui vaut une révocation immédiate. Il y a tous ces paysans, que nous a montrés avec tant d’émotion Agnès Varda, qui accueillent, aiment et protègent de si nombreux enfants.
Il y en a tant et tant d’autres, dans toutes les classes sociales, dans toutes les professions, de toutes les convictions. Des milliers de Françaises et de Français, qui sans s’interroger, font le choix du bien. Quel courage, quelle grandeur d’âme il leur a fallu ! Tous connaissaient les risques encourus : l’irruption brutale de la Gestapo. L’interrogatoire. La torture. Parfois même, la déportation et la mort.
Certains furent reconnus Justes parmi les nations. D’autres resteront anonymes, soit qu’ils aient laissé leur vie en aidant l’autre, soit que, dans leur modestie, ils n’aient même pas songé à faire valoir leurs actes. Certains sont ici aujourd'hui, ainsi que ceux qu’ils ont sauvés. Je les salue tous, avec un infini respect. En France, grâce à cette solidarité agissante, selon le beau mot de Serge Klarsfeld, les Justes ont contribué à protéger les trois quarts de la population juive d’avant-guerre de la déportation, c'est-à-dire d’une mort presque certaine : sur plus de 75.000 déportés, seuls revinrent quelque 2.500 survivants. Et après quelles souffrances indicibles : vous pouvez en témoigner, chère Simone Veil, vous dont le courage, en toute occasion, est un exemple. La majorité des Juifs assassinés ont été livrés aux Allemands par Vichy et par les collaborateurs. Mais la plupart des Juifs sauvés le furent par des Français.
Aujourd'hui, pour cet hommage de la nation aux Justes de France, reconnus ou anonymes, nous sommes rassemblés pour évoquer notre passé, mais aussi pour enrichir notre présent et notre avenir. "Quiconque sauve une vie sauve l’univers tout entier", dit le Talmud, devise qui orne la médaille des Justes. Il faut en comprendre toute la force : en sauvant une personne, chaque Juste a en quelque sorte sauvé l’humanité. Cette mémoire, soyez-en certains, soyez-en fiers, perdurera de génération en génération.
Par ce geste, vous nous incitez aussi à interroger notre conscience. Qu’est-ce qui fait que, confronté à un choix crucial, quelqu’un agit selon son devoir, c'est-à-dire en considérant l’autre pour ce qu’il est, une personne humaine avant tout ? Pour certains Justes, c’est une question de conviction religieuse, et ceux-là, n’en doutons pas, entendent le message de l’Église dans sa vérité. D’autres, parfois les mêmes, appartiennent à des groupes longtemps opprimés, comme les protestants, ou sont viscéralement hostiles à la politique de Vichy. Mais, pour tous, c’est une réaction venue du plus profond du cœur, expression la plus haute de ce que l’on nomme la charité.
Toutes et tous, ils ont eu, vous avez eu le courage de voir et de comprendre la détresse avec les yeux du cœur. Ce courage anime Monseigneur Saliège, archevêque de Toulouse, qui a été pour beaucoup dans la prise de conscience des catholiques de France. Infirme, reclus dans son palais épiscopal, il sait pourtant rendre concrètes, dans son admirable lettre pastorale, les souffrances injustifiables endurées par ces êtres coupables du seul crime d’être nés. Ce courage de voir et de comprendre avec les yeux du cœur, on le trouve partout : chez ce voisin d’immeuble, que l’on connaît à peine et qui, sans poser de question, accueille votre famille alors que la milice frappe aux portes.
Vous, Justes de France, vous avez transmis à la nation un message essentiel, pour aujourd'hui et pour demain : le refus de l’indifférence, de l’aveuglement. L’affirmation dans les faits que les valeurs ne sont pas des principes désincarnés, mais qu’elles s’imposent quand une situation concrète se présente et que l’on sait ouvrir les yeux.
Plus que jamais, nous devons écouter votre message : le combat pour la tolérance et la fraternité, contre l’antisémitisme, les discriminations, le racisme, tous les racismes, est un combat toujours recommencé. Si l’antisémitisme s’est déchaîné dans les années 1930 et 1940, c’est faute d’avoir été condamné avec la fermeté nécessaire. C’est parce qu’il a été en quelque sorte toléré comme une opinion parmi d’autres. Telle est la leçon de ces années noires : si l’on transige avec l’extrémisme, il faut bien le mesurer, on lui offre un terreau pour prospérer, et tôt ou tard on en paye le prix. Face à l’extrémisme, il n’y a qu’une attitude : le refus, l’intransigeance. Et c’est sans merci qu’il faut lutter contre le négationnisme, crime contre la vérité, perversion absolue de l’âme et de l’esprit, forme la plus ignoble, la plus abjecte de l’antisémitisme.
Mesdames et Messieurs,
Les Justes ont fait le choix de la fraternité et de la solidarité. Ils incarnent l’essence même de l’homme : le libre arbitre. La liberté de choisir entre le bien et le mal, selon sa conscience. À tous, en ce lieu où elle honore ses grands hommes, la nation rend aujourd'hui le témoignage de son respect et de son estime. Vous incarnez aussi la France dans ce qu’elle a de plus universel, dans la fidélité aux principes qui la constituent. Grâce à vous, grâce à d’autres héros à travers les siècles, nous pouvons regarder la France au fond des yeux, et notre histoire en face : parfois, on y voit des moments profondément obscurs. Mais on y voit aussi et surtout le meilleur et le plus glorieux. Notre histoire, il faut la prendre comme un bloc. Elle est notre héritage, elle est notre identité. C’est à partir d’elle, et en traçant de nouveaux chemins, que nous pouvons nous engager tête haute dans les voies de l’avenir. Oui, nous pouvons être fiers de notre histoire ! Oui, nous pouvons être fiers d’être Français !
Ce que nous enseignent aussi l’effondrement de la République en juin 1940, l’illusion tragique du recours à Pétain et le déshonneur de Vichy, c’est à quel point une nation est fragile. Dans le confort de nos certitudes d’aujourd'hui, beaucoup ont le sentiment que la France est éternelle, que la démocratie est naturelle, que la solidarité et la fraternité peuvent se résumer au système de sécurité sociale. Dans une société qui, malgré ses difficultés, est prospère et stable, l’idée du bonheur semble trop souvent se ramener à la satisfaction de besoins matériels. Nous devons entendre votre message. Une nation, c’est une communauté de femmes et d’hommes solidaires, liés par des valeurs et un destin communs. Chacun est dépositaire d’une parcelle de la communauté nationale, et celle-ci n’existe que si chacun s’en sent pleinement responsable. À un moment où montent l’individualisme et la tentation des antagonismes, ce que nous devons voir, dans le miroir que nous tend le visage de chaque être humain, ce n’est pas sa différence, mais ce qu’il y a d’universel en lui. À ceux qui s’interrogent sur ce que c’est d’être Français, à ceux qui s’interrogent sur ce que sont les valeurs universelles de la France, vous, les Justes, avez apporté la plus magnifique des réponses, au moment le plus noir de notre histoire.
Au nom de la France, au nom de la nation tout entière, je m’incline aujourd'hui devant vous avec respect et reconnaissance.
Morad El Hattab contre l'antijudaisme
Sur le site internet http://www.primo-europe.org
"Contre l'antijudaïsme : briser l'enchantement " ; Par Morad El Hattab (Ecrivain)
"Contre l'antijudaïsme : briser l'enchantement " ; Par Morad El Hattab (Ecrivain)
Depuis la recrudescence des agressions anti-juives en France, nous voyons dans la presse se multiplier, de la part des intellectuels français, les tentatives d’analyse essayant de rendre compte de ce phénomène.
De l’importance de l’immigration de religion musulmane jusqu’à ce vieux fond d’anti-sémitisme persistant dans notre pays, toute la palette des causes affectant plus particulièrement la nation des Droits de l’Homme semble avoir été examinée.
Des livres sont même parus dont le point commun est de décrire avec raison l’anti-sémitisme comme une hydre de Lerne dont chaque tête coupée renaît à nouveau à l’occasion des conflits et des haines du temps présent.
Qu’il y ait actuellement dans la politique de répression systématique et de refus du dialogue de M. Ariel Sharon de quoi favoriser l’engagement de jeunes beurs présents dans nos banlieues en mal d’identification, de reconnaissance et de cause à défendre, cela n’est pas douteux. Mais on m’invitera ici à ne pas confondre anti-sionisme et anti-sémitisme.
Cette distinction, aussi nécessaire et pertinente soit-elle, ne semble cependant pas valoir dans l’esprit des auteurs d’attentats et d’agressions physiques contre des personnes juives. M. Jean Daniel a parfaitement raison de distinguer l’anti-sémitisme actuel de celui du Troisième Reich en posant la différence entre la condamnation des Israéliens pour ce qu’ils font et la haine des juifs pour ce qu’ils sont.
Toutefois, quiconque prêtant un tant soit peu attention aux slogans et aux injures dont sont accompagnés les attentats de ces derniers mois, ne pourra s’empêcher de relever clairement dans la façon dont se manifeste violemment la première, la persistance insidieuse, fantasmatique, inconsciente ou revendiquée de la seconde.
Si l’anti-sionisme, l’anti-sémitisme et l’anti- judaïsme constituent trois façons différentes de critiquer et de haïr le « juif », il est difficile de séparer très distinctement, dans l’esprit des agresseurs, la remise en cause de la politique israélienne de la haine du peuple juif et du rejet de sa religion dans la mesure où nous avons affaire ici à un peuple dont l’unité politique repose d’abord sur sa religion.
Pourquoi revenir sur une telle évidence? Parce que sans elle, il est impossible de comprendre tout à la fois la spécificité de ce peuple ainsi que celle de la haine dont il est la victime récurrente. On n’est pas juif comme on est français : dans le second cas, on « a » la nationalité française, la culture française, etc. alors que dans le premier, toutes ces définitions d’appartenance restent suspendues à la condition originelle d’un « être juif »; c’est là toute la différence entre l’avoir et l’être, entre l’attachement à la terre, au patrimoine et la détermination d’une certaine façon « d’être au monde » dont il est impossible de trouver l’origine ailleurs que dans la religion.
Il convient de le répéter: si nous n’avions affaire qu’à une critique entreprise par l’intelligence contre une certaine politique, nous n’aurions pas à nous plonger dans les origines religieuses d’une civilisation et plus encore d’une façon d’être mais l’anti-sémitisme est sans conteste le résultat d’une passion, au sens pathologique du terme, d’une inclination fantasmatique dont le but n’est pas de poser des distinctions mais de les annihiler et d’engendrer sans fins des confusions. C’est pourquoi nous n’avons pas d’autre choix si nous voulons essayer de comprendre et de combattre ce phénomène jusque dans ses manifestations les plus récentes de ramener l’anti-sémitisme à ce qu’il est toujours d’abord essentiellement: l’anti-judaïsme.
Or qu’est-ce que le judaïsme?
Emmanuel Levinas nous répond : « la religion du désensorcellement ». Platon appelait « enthousiasme » cette transe sacrée du poète ou de la Pythie de Delphes par laquelle les dieux pariaient par la bouche des hommes.
Le propre du judaïsme consiste à rejeter l’idée selon laquelle l’homme n’est jamais plus proche des dieux que lorsque il ne s’appartient plus. L’Eternel parle à Moïse, et non par lui; ce qu’il lui donne ce sont les Tables de la Loi, soit les règles lui permettant de respecter Dieu en se respectant soi-même et les autres. Désensorceler la relation des hommes à Dieu, c’est poser l’homme comme liberté et responsabilité face à Dieu.
La culpabilité originelle d’Adam et Eve qui crée la condition proprement humaine des créatures de Dieu n’a pas d’autre fin que celle de nous rendre infiniment responsables de nous-mêmes et des autres. L’humanité est née d’avoir dit « non » à Dieu et « c’est une grande gloire pour le Créateur, nous dit Levinas, que d’avoir mis sur pied un être qui l’affirme après l’avoir contesté et nié dans les prestiges du mythe et de l’enthousiasme; c’est une grande gloire pour Dieu que d’avoir créé un être capable de le chercher ou de l’entendre de loin, à partir de la séparation, à partir de l’athéisme. »
Le judaïsme, une religion d’athées?
Bien sûr que non mais une religion refusant absolument la mise sous tutelle de ses fidèles. Tant de personnes ne semblent chercher dans la religion que les vertiges de la possession et de l’irresponsabilité absolue.
N’est-ce pas d’ailleurs l’essentiel du discours du premier meurtrier?
« Suis-je le gardien de mon frère? » demande Caïn à l’Eternel qui l’interroge sur l’absence de son frère, ce qui signifie: « Est-ce à moi de veiller aux créatures que Tu as engendrées?
N’était-ce pas à Toi d’arrêter mon geste? Pourquoi m’avoir créé ainsi si Tu savais que je commettrais le premier meurtre ? » Caïn refuse sa liberté, invoque la puissance tutélaire divine pour se dérober aux conséquences et à la responsabilité de ses actes.Ce discours par lequel Caïn semble vouloir revenir à cet âge d’or gâché par le geste de ses parents, à cette Eternité bienheureuse où les créatures de Dieu, non encore séparées de lui, erraient dans la bêtise et l’extase de leur inconscience, est celui-là même que l’on retrouve, depuis, dans la bouche de tous les bourreaux du genre humain.
Lorsque Eichmann décrivit lors de son procès la façon dont il appréhendait l’écroulement du Troisième Reich, il exprima J’angoisse même de la liberté: « Je pressentais qu’il me faudrait vivre une vie difficile, individuelle, sans chef; que je ne recevrais plus d’ordre, que je n’en donnerais plus que je n’aurais plus d’ordonnances à consulter, bref que je devrais vivre une vie inconnue de moi. » Le mal ne vient jamais des hommes mais de l’incapacité de certains à assumer leur condition d’homme séparé de Dieu, de la nature, de la société, de leur chef, de leur classe, etc.
C’est cet athéisme-là qui se situe au coeur du judaïsme et constitue paradoxalement sa meilleure assise.
« On peut appeler athéisme, nous dit Levinas, cette séparation si complète que l’être séparé se maintient tout seul dans l’existence sans participer à l’être dont il est séparé. » Si croire, c’est se soumettre, invoquer la puissance divine comme un pantin suspendu aux fils du marionnettiste, se complaire dans l’enchantement de la possession, alors il convient de briser l’enchantement et de cesser de croire. Peut-être Albert Cohen, qui se croyait radicalement athée, n’a-t-il jamais été plus proche de son Dieu que lorsque il fait dire à son héros Mangeclous que les hommes ne sont vraiment bons que sans Dieu: « L’affirmation rigoureuse de l’indépendance humaine, de sa présence intelligente à une réalité intelligible comportent le risque de l’athéisme. Il doit être couru. A travers lui seulement l’homme s’élève à la notion spirituelle du transcendant. » (Levinas).
L’athéisme est une étape nécessaire à la majorité religieuse de l’homme par laquelle il parviendra à s’arracher définitivement de la déresponsabilisation infantilisante du discours de Caïn.
Jamais nous n ‘avons été autant qu’aujourd’hui contraints, sous l’influence des médias mais aussi de toutes ces analyses à prétention socialisante, marxisante ou vaguement « psy », à décrypter notre propre comportement comme celui de « possédés » ou de victimes de déterminations qui nous échappent. Cela donne lieu aux interprétations suivantes: le jeune beur incendiant une synagogue et célébrant Ben Laden sur les murs de sa cité n’est pas responsable du mal qu’il fait mais se trouve être la victime des inégalités engendrées par une mauvaise politique de la ville ainsi que la proie de l’escalade de la violence au Proche-Orient. Marquer « Mort aux juifs » sur un abribus n’est pas tant un acte de racisme caractérisé qu’une façon pour lui d’exprimer le « mal-être » de la vie en banlieue ainsi que les échecs à répétition de ses tentatives de reconnaissance. Peut-être progresserait-on un tant soit peu dans la compréhension de cette résurgence de l’antisémitisme en commençant d’abord par cesser de lui faire dire autre chose que ce qu’elle dit.Briser l’enchantement, c’est d’abord cela: arrêter de faire croire aux gens que ce qu’ils font ou ce qu’ils disent est intéressant à un niveau dont ils n’ont probablement pas idée.Etre anti-sémite n’est ni intéressant, ni « révélateur », ni « représentatif », c tout simplement proclamer sa haine pour une religion essentiellement éthique et dont les enseignements ne visent qu’à donner à l’homme la maturité nécessaire pour assumer sa liberté face à Dieu. Peut-être les raisons profondes de l’anti-sémitisme ne sont-elles pas à chercher ailleurs que dans cette extrême difficulté des hommes à pardonner au judaïsme le fait de les offrir ainsi constamment, dans chacun des actes qui constituent leur vie, au vertige de l’instant présent, soit à l’angoisse d’un choix dans lequel rien, pas même Dieu, ne doit empêcher ma volonté de se déterminer par elle-même. Ces raisons sembleront probablement trop « philosophiques » à certains pour expliquer les événements actuels; il est pourtant troublant de mesurer à quel point l’anti-sémitisme rassemble toujours, par-delà leurs différences, des hommes ayant abdiqué de leur volonté propre, que celle-ci ait été découragée par ses échecs ou bien qu’elle ait été supplantée par la passion et le fanatisme. L’anti-sémite cristallise dans cette haine du juif tous les échecs de ses tentatives de reconnaissance, d’identification de soi par les autres, de construction d’un monde par la volonté des hommes. Bercé par le doux chants des sirènes médiatiques qui se perdent en explications plus ou moins oiseuses sur le caractère sociologique de ses (dé)motivations, il puise dans l’impact que prennent ses actes de violence sur l’information et dans les analyses qui en découlent comme une invitation à persévérer dans son être puisque quelque chose qui vient de lui est enfin « reconnu », comme s’il avait trouvé « sa voie » dans une impasse, sa raison d’être homme dans le rejet de l’autre homme, l’expression véritable de sa volonté dans la construction fantasmatique et haineuse du « juif ».Il ne s’agit pas de refuser en bloc toute tentative d’explication de ces phénomènes mais seulement de condamner celles qui ne font que perpétuer « l’enchantement ». Or les causes de cet ensorcellement semblent profondément liées à notre modernité: « la sorcellerie, c’est cela: le monde moderne, nous dit Levinas, rien ne se dit car aucun mot n’a son sens propre; toute parole est un souffle magique; personne n’écoute ce que vous dites; tout le monde soupçonne derrière vos paroles du non-dit, un conditionnement, une idéologie. » Quiconque s’est déjà essayé à discuter fermement avec, par exemple, un militant marxiste pur et dur ne peut que confirmer ce constat: il n’est rien de ce que vous lui opposerez comme argument qu’il ne retrempera à la source de son origine comme au seul critère réellement valide de son authenticité: « tu parles en tant que fils d’ouvrier, écrasé par l’idéologie du capital » ou bien « tu es le produit de la classe bourgeoise donc tu ne peux dire autre chose que ce que tu dis. » Ce que je dis ne peut être que l’expression de ce que je suis, en tant que mon être loin d’être le produit de ma volonté est déterminé par mes antécédents sociaux culturels, religieux, etc. Qui ne voit qu’il y a dans une telle analyse de la parole tous les éléments nécessaires à entretenir le fantasme antisémite de la possession des êtres par leur race, par leur histoire ou leur rang social, et surtout celui de l’impossibilité pour qui que ce soit de se libérer par sa parole, de se dire au travers de ses mots non pas tel qu’il est mais tel qu’il voudrait être.Levinas n’hésite pas à désigner clairement les responsables d’un tel dévoiement en le décrivant comme le résultat d’un itinéraire: « Itinéraire au bout duquel l’homme qui parle se sent faire partie d’un discours qui se parle. Le sens du langage ne dépend plus des intentions qu’il y met, mais du discours cohérent à qui le parleur ne prête que sa langue et ses lèvres. Non seulement le marxisme, mais toute sociologie et toute psychanalyse, témoignent d’un langage où le principal ne réside pas dans ce que les mots nous enseignent, mais dans ce qu’ils nous cachent. Langage verrouillé, civilisation d’aphasiques. Voilà des mots redevenus les signes muets des infrastructures anonymes, comme les ustensiles des civilisations mortes ou comme les actes manqués de notre vie quotidienne. A force de cohérence, la parole a perdu la parole. Dès lors aucun mot n’a plus l’autorité nécessaire pour annoncer au monde la fin de sa propre déchéance. »Peut-être nous est-il ainsi donné de mieux comprendre pourquoi le message envoyé par le judaïsme d’une religion définissant l’homme comme liberté, comme être doté d’une parole commençant authentiquement avec lui et allant vers un autre qui lui est absolument séparé, ne peut apparaître aujourd’hui que comme profondément sacrilège dans la forêt enchantée de cette « civilisation d’aphasiques » dont chacun de nous est comme la belle au bois dormant. Qui saura rompre le sortilège et embrasser la Belle? La réponse est simple: l’homme revenu bredouille de la perpétuelle interprétation des signes, celui qui se résoudra enfin à voir dans l’incendie d’une synagogue non pas l’acte manqué d’une structure sociale ou d’une conjoncture historique mais d’abord l’irresponsabilité d’une conscience immature, terrifiée de sa propre liberté, réfugiée dans les totalitarismes ambiants du fanatisme grégaire et de l’explication « sociologisante » dans lesquels s’épuise le sens même de toute parole et de tout acte.L’attitude qu’il convient d’adopter face aux attentats anti-sémites ne consiste pas à se poser la question de savoir ce qu’il peut vouloir signifier mais d’y voir l’origine même du mal dans ce qu’elle a de plus terrifiant et de plus fantasmatique, soit ce mouvement récurrent dans l’histoire, coïncidant avec les massacres et les camps de la mort, par lequel l’homme soudainement ne veut plus vouloir, se complaît dans l’impudeur de ce que Gombrowicz appelle « I ‘immaturité », vertige et angoisse de l’homme devant cette liberté d’agir qui se nie elle-même en faisant sa cible privilégiée d’une religion où l’homme ne tient pas sa parole de Dieu mais l’adresse librement à Lui.Ici encore, les mots de Levinas sont particulièrement justes: « La crise de l’idéal humain s’annonce dans l’anti-sémitisme qui est en son essence la haine de l’homme autre, c’est-à-dire la haine de l’autre homme. » Car cet autre homme n’est pas seulement mon prochain dont les totalitarismes de toutes sortes essaient d’occulter le fait indépassable de l’altérité par l’assimilation raciale, l’étiquetage social, ou les solidarités traditionnelles mais aussi moi-même tel que je serai demain si la force et la volonté de ma parole se révèlent suffisamment authentiques et libres pour me créer dans l’instant à venir à son image.Cette haine de l’autre homme ne peut se comprendre que comme désignant aussi cette haine de l’autre que je porte en moi et dont chaque seconde voit en quelque sorte comme l’accouchement incessamment renouvelé. Ce temps de la mort et de la corruption dans lequel Adam et Eve nous ont précipité est aussi celui du choix et, contre la pose figée et statuaire de l’Eternité, de la libre création de soi dans l’instant. L’antisémitisme a toujours été le fait de particularismes ancestraux, de vieux réflexes nationalistes, d’idéologies entièrement tournées vers la réhabilitation du passé. L’un des mythes fondateurs du nazisme est le Sphinx renaissant de ses cendres et son leitmotiv, la résurgence d’une race indo-européenne noyée dans les gênes du passé. De même, l’antisémitisme profond des Talibans se marient parfaitement bien avec le port de la bourka imposée à la femme, l’interdiction de l’instruction des filles et le rétablissement d’un code de lois parfaitement suranné. La peur de l’autre présente dans l’anti-sémitisme est la peur de cet autre homme que chaque instant qui passe et chaque évolution de la société m’invitent à devenir.Voilà le sens de la parole authentique, seul à même de briser conjointement l’enracinement au passé de toute logique totalitaire et l’enchantement moderniste de la réduction des hommes aux déterminismes de toutes sortes: la parole simple et prophétique par laquelle ce que je dis cesse d’être le produit de ce que j’ai été pour révéler l’horizon de ce que j’ai à être. Et si la parole messianique du judaïsme n’avait pas d’autre fin que de faire de chacun de nous le Sauveur de sa propre vie? Et si c’était à l’encontre de cette parole de responsabilité, plus que de tout autre chose, que l’anti-sémite nourrissait, sans s’en rendre compte, ses plus grandes terreurs?L’anti-sémitisme est une passion, au sens temporel du terme, soit un attachement exclusif à son passé et une crainte absolue à l’égard de tout ce que le futur peut m’apporter de neuf, et plus encore tout ce qu’il me permet d’être de nouveau, soit infiniment libre, Il est un fantasme, au sens où le mal est un fantasme, puisque c’est toujours quand l’homme renonce à être ce qu’il est, devient volonté immature, hésitante et finalement avortée qu’il laisse agir en lui les mécanismes anonymes, conservateurs du passé et de la peur. Aucun « Je » ne peut, en toute conscience, revendiquer d’être anti-sémite dans la mesure où il n’est rien dans cette prétendue cause qui puisse constituer quoi que ce soit qui soit susceptible de valoir comme objet à une volonté individuelle. Aucun homme ne se fait, ne se forge dans l’antisémitisme; il n’est besoin, pour s’en convaincre que de contempler les pauvres idoles du Troisième Reich et l’analphabétisme régnant en Afghanistan après le passage des Talibans. Ce sont toujours les « on » qui sont anti-sémites, les « on » qui paradent à la lumière des torches, dans le claquement des bannières à croix gammée, ou les ombres furtives tagguant des slogans anti-juifs et déversant des bidons d’essence sur les murs des synagogues. De l’anti-sémitisme, on pourrait dire ce que le philosophe Clément Rosset dit de l’idée de nature: à savoir qu’il n’existe pas et que « rien n’est invulnérable comme ce qui n’existe pas. »Il est vrai que si la raison parvient toujours à maîtriser des raisons, elle se révèle malheureusement inefficace contre l’énergie détournée de celui qui se laisse fasciner par le mythe du retour au Paradis Perdu, qui refuse cet athéisme de la maturité sans lequel on ne saurait être paradoxalement un vrai croyant, soit un sujet libre et autonome et qui ,à vouloir, préfère le confort fantasmatique de la détestation. Il convient pourtant de pas baisser les bras et d’opposer aux attentats et aux agressions contre le judaïsme tout ce qui fait la force de son message : soit le désenchantement et le refus de toute inclination humaine à se laisser posséder par Dieu.Peut-être certains, parmi les lecteurs de cet article se poseront-ils la question de savoir pourquoi moi, qui suis de religion musulmane, je m’engage dans cette cause ou même pourquoi je ne me convertis pas au judaïsme. La réponse est simple. Ce n’est pas le plus petit dommage de cet enchantement de la possession et de l’enthousiasme en religion que d’avoir sciemment perverti et caché les très nombreuses convergences, les messages communs et finalement l’identité d’origine des trois monothéismes. Ce n’est pas insulter l’islam que de lui reconnaître plus que des affinités avec le judaïsme. Quiconque comprend la vocation universelle de toute religion à construire l’homme ne peut qu’être davantage attiré par leur complémentarité dans cette oeuvre que par leurs dissensions, quels que soient par ailleurs les désastres historiques qui malheureusement continuent d’en résulter. J’en veux pour preuve cet hommage que Levinas, encore lui, adressa à l’islam dans une allocution pour l’Union des étudiants juifs, à la Mutualité, en 1959: « L’islam est, avant tout, l’un des facteurs principaux de cette constitution de l’humanité. Sa tâche a été ardue et magnifique. Depuis longtemps a-t-il dépassé les tribus où il naquit. Il a essaimé dans trois continents, Il a uni des peuples et des races innombrables. Il a compris mieux que quiconque qu’une vérité universelle vaut mieux que les particularismes locaux. Ce n’est pas par hasard qu’un apologue talmudique cite lsmaël — symbole de l’Islam — parmi les rares fils de l’histoire sainte dont le nom fut formulé et annoncé avant leur naissance. Comme si leur fonction dans le monde était, de toute éternité, prévue dans l’économie de la création. »
*Cette citation ainsi que toutes celles d’Emmanuel Levinas sont extraites de son recueil d’articles sur le Judaïsme intitulé « Difficile Liberté » Ed Livre de Poche- Biblio essais
lLivres sur l'antisémitisme aujourd'hui
"Les origines de l'antisémitisme moderne"
Arthur Hertzberg
Presses De La Renaissance 03/2004
"La nouvelle judéophobie "
Pierre-André Taguieff
Mille Et Une Nuits 01/2002
"Expliquer l'antisémitisme"
Guillaume Erner
Puf 01/2005
"Le nouvel antisémitisme "
Phyllis Chesler
Eska 10/2005
"Guérir de l'antisémitisme "
G. Huber
Serpent A Plumes 06/2005
"Psychanalyse de l'antisémitisme "
Rudolph M. Loewenstein Nicolas Weill
Puf 05/2001
"Antisionisme, le nouvel antisémitisme "
Paul Giniewski
Cheminements 09/2005
"L'antisémitisme - du préjugé au génocide "
Roberto Finzi
Casterman 11/1997
"Israël, les juifs, l'antisémitisme "
Jacques Attali Pascal Boniface Gérard Israël
Atelier Ed De L' 01/2005
"Histoire générale de l'antisémitisme "
Gérald Messadié
Lattes ; broché ; étude ; 11/1999
"Narcissisme christianisme et antisemitisme "
Béla Grunberger
Actes Sud 05/1997
"Une histoire personnelle de l'antisémitisme "
Nicolas Weill
Robert Laffont 02/2003
"Nationalisme, antisémitisme et fascisme en France "
Michel Winock
Points 04/2004
Arthur Hertzberg
Presses De La Renaissance 03/2004
"La nouvelle judéophobie "
Pierre-André Taguieff
Mille Et Une Nuits 01/2002
"Expliquer l'antisémitisme"
Guillaume Erner
Puf 01/2005
"Le nouvel antisémitisme "
Phyllis Chesler
Eska 10/2005
"Guérir de l'antisémitisme "
G. Huber
Serpent A Plumes 06/2005
"Psychanalyse de l'antisémitisme "
Rudolph M. Loewenstein Nicolas Weill
Puf 05/2001
"Antisionisme, le nouvel antisémitisme "
Paul Giniewski
Cheminements 09/2005
"L'antisémitisme - du préjugé au génocide "
Roberto Finzi
Casterman 11/1997
"Israël, les juifs, l'antisémitisme "
Jacques Attali Pascal Boniface Gérard Israël
Atelier Ed De L' 01/2005
"Histoire générale de l'antisémitisme "
Gérald Messadié
Lattes ; broché ; étude ; 11/1999
"Narcissisme christianisme et antisemitisme "
Béla Grunberger
Actes Sud 05/1997
"Une histoire personnelle de l'antisémitisme "
Nicolas Weill
Robert Laffont 02/2003
"Nationalisme, antisémitisme et fascisme en France "
Michel Winock
Points 04/2004
L'antisémitisme, "ça peut aussi être drôle", dit M. Le Pen
Jean-Marie Le Pen était l'invité, jeudi 21 décembre, de la radio et chaîne de télévision BFM. Les questions des journalistes ont porté sur la présence d'une très forte délégation du Front national au spectacle de Dieudonné, lundi 18 décembre, au Zénith de Paris. En tête de celle-ci, Jany Le Pen, l'épouse du président du Front national (FN) et Bruno Gollnisch, le délégué général du parti (Le Monde du 20 décembre).
Lorsqu'une des journalistes lui a demandé : "Est-ce que c'est l'antisémitisme affiché de Dieudonné que vous trouvez assez drôle ?", M. Le Pen a répondu : "Oui... Ça peut aussi être drôle... Il ne doit pas y avoir de sujets qui échappent à la critique ou à l'ironie." Il a ajouté : "Tout dépend de la manière dont on les traite (ces sujets). M. Dieudonné les traite d'une certaine manière. Devant son spectacle, il y a des moments où on a envie d'applaudir et des moments où on est plutôt discrets, peut-être même quelque fois gênés. Mais il en est de même dans tous les spectacles."
Incrédule, la journaliste insiste : "Vous venez de dire que si l'antisémitisme est exprimé de façon drôle, pourquoi pas ?" M. Le Pen a alors répliqué : "Vous savez que les gens qui se moquent le plus des juifs, ce sont les juifs eux-mêmes. Il y a un humour juif très célèbre, très connu."
Le président du Front national sait pourtant ce qu'antisémitisme veut dire - "racisme dirigé contre les juifs" selon le Petit Robert - et que celui-ci est réprimé par la loi. Il est vrai que l'abrogation de toutes les lois réprimant le racisme et l'antisémitisme figure dans le programme du FN.
Jeudi 21 et vendredi 22 au matin, sa fille Marine Le Pen était injoignable pour commenter les propos de son père. Des propos qui vont à l'encontre de ses tentatives de dédiabolisation du parti d'extrême droite et de sa volonté de faire oublier les accusations de racisme et d'antisémitisme.
Difficile de dire si cette nouvelle saillie de M. Le Pen aura une incidence dans sa recherche de parrainages pour sa candidature à l'élection présidentielle tant elles n'étonnent plus.
Reste que dans cette même émission le président du FN a dit "pense (r) avoir passé la barre des 400" signatures sur les 500 nécessaires. Il a précisé qu'il ne sera satisfait "qu'au-delà de la barre de 600 car (il) crain (t) toujours des retournements de dernière minute".
Christiane Chombeau
Article paru dans l'édition du 23.12.06.
Lorsqu'une des journalistes lui a demandé : "Est-ce que c'est l'antisémitisme affiché de Dieudonné que vous trouvez assez drôle ?", M. Le Pen a répondu : "Oui... Ça peut aussi être drôle... Il ne doit pas y avoir de sujets qui échappent à la critique ou à l'ironie." Il a ajouté : "Tout dépend de la manière dont on les traite (ces sujets). M. Dieudonné les traite d'une certaine manière. Devant son spectacle, il y a des moments où on a envie d'applaudir et des moments où on est plutôt discrets, peut-être même quelque fois gênés. Mais il en est de même dans tous les spectacles."
Incrédule, la journaliste insiste : "Vous venez de dire que si l'antisémitisme est exprimé de façon drôle, pourquoi pas ?" M. Le Pen a alors répliqué : "Vous savez que les gens qui se moquent le plus des juifs, ce sont les juifs eux-mêmes. Il y a un humour juif très célèbre, très connu."
Le président du Front national sait pourtant ce qu'antisémitisme veut dire - "racisme dirigé contre les juifs" selon le Petit Robert - et que celui-ci est réprimé par la loi. Il est vrai que l'abrogation de toutes les lois réprimant le racisme et l'antisémitisme figure dans le programme du FN.
Jeudi 21 et vendredi 22 au matin, sa fille Marine Le Pen était injoignable pour commenter les propos de son père. Des propos qui vont à l'encontre de ses tentatives de dédiabolisation du parti d'extrême droite et de sa volonté de faire oublier les accusations de racisme et d'antisémitisme.
Difficile de dire si cette nouvelle saillie de M. Le Pen aura une incidence dans sa recherche de parrainages pour sa candidature à l'élection présidentielle tant elles n'étonnent plus.
Reste que dans cette même émission le président du FN a dit "pense (r) avoir passé la barre des 400" signatures sur les 500 nécessaires. Il a précisé qu'il ne sera satisfait "qu'au-delà de la barre de 600 car (il) crain (t) toujours des retournements de dernière minute".
Christiane Chombeau
Article paru dans l'édition du 23.12.06.
Palazzi
Le 10 janvier à Hébron, Palazzi a déclaré aux Juifs de la cité des Patriarches "n'abandonnez pas Hébron" et il a ajouté "Je suis sioniste".
Un Cheikh sioniste : le Cheikh Italien Palazzi
Sur le site CJE (http://www.chretiens-et-juifs.org)
Entretien avec l'Imam Abdul Hadi Palazzi ,
L'islam est en pleine ascension. Mais trop souvent sous une forme extrémiste...
IMAM PALAZZI. L'islam contemporain vit une tragédie. Il a été kidnappé par une hérésie née voici trois siècles dans le désert du Nejd, le wahhabisme, aujourd'hui au pouvoir en Arabie Saoudite, et par ses nombreuses variantes, des Frères musulmans (al-Ikhwan al-Muslimun) aux confréries dites "islamistes". L'islam connaît sans doute actuellement un essor numérique et géographique. Mais il subit en même temps une profonde décadence interne, au moins dans son c ur historique : le monde arabe et les autres pays du Proche et du Moyen-Orient. Son salut viendra peut-être de la périphérie : des islams d'Afrique ou d'Extrême-Orient, ou d'un nouvel islam en gestation dans les pays pluralistes et multiculturels d'Occident, en Europe et en Amérique.
En quoi le wahhabisme et l'islamisme sont-ils hérétiques ?
Lors de leur apparition, les wahhabites ont été rejetés avec horreur par la quasi-totalité des autorités musulmanes, et combattus par les pouvoirs musulmans légitimes, notamment le sultan-calife ottoman. En raison de leur doctrine : ils rejetaient la Sunna, la tradition séculaire de l'islam, au profit d'une lecture littéraliste du Coran. Et en raison de leurs actes : ils se livraient, sous couvert de religion, aux pires excès, du saccage des Lieux Saints, notamment à La Mecque et Médine, au massacre de populations musulmanes entières, femmes et enfants compris. Ce rejet du wahhabisme a persisté jusqu'à notre époque, tant qu'il s'est trouvé des chefs religieux capables de s'exprimer à ce sujet. Les clones modernes du wahhabisme, qu'il s'agisse des Frères musulmans, du néo-wahhabiste Oussama Ben Laden, des taliban, ou des autres réseaux dits islamistes ne se différencient du wahhabisme proprement dit qu'en formulant un projet politique de domination mondiale, analogue sur bien des points au fascisme et au communisme, et en mettant en place, comme leurs modèles totalitaires européens, des réseaux hiérarchisés de militants professionnels.
Comment expliquer que ces hérétiques aient pris le pouvoir dans une partie importante du monde musulman ?
Ils se sont imposés par la force et la terreur : soit en renversant les pouvoirs musulmans établis, soit en les faisant chanter. Au fur et à mesure qu'ils consolidaient leur emprise sur des pays musulmans, leurs ressources financières s'accroissaient, et donc leur capacité de subvertir d'autres pays ou communautés. Je dois ajouter que les Occidentaux portent également leur part de responsabilité. Ignorants en matière islamique, les Britanniques et plus tard les Américains ont cru que les wahhabites et les islamistes n'étaient que des musulmans conservateurs, " intégristes ", et les ont soutenus avec l'idée de s'appuyer sur eux en retour. En 1991, l'Amérique a fait la guerre du Golfe pour sauver l'indépendance du Koweit et à plus long terme celle de l'Arabie Saoudite. L'émir du Koweit les a remerciés en accordant un énorme soutien financier au mouvement islamiste et terroriste Hamas, puis en participant à la création, à Lugano, du Nada Management Group, c'est-à-dire du holding de Ben Laden. J'espère que les événements du 11 septembre ont ouvert les yeux des dirigeants de Washington.
Où peut-on encore trouver des musulmans orthodoxes ?
Dans la plupart des pays arabes, l'islam sunnite orthodoxe a été remplacé par un mélange instable d'islamisme et de nationalisme arabe non-religieux. Dans d'autres pays, comme le Pakistan, il a été marginalisé par le wahhabisme. En ce XVe siècle de l'Hégire, il survit surtout dans des pays périphériques, en Afrique noire, en Inde, en Indonésie, en Malaisie, dans l'ancienne Asie centrale soviétique. Le critère, c'est l'affiliation des Docteurs de la Loi coranique, des oulémas. Là où les wahhabites et les islamistes sont l'exception plutôt que la règle, l'islam est encore authentique. Là où ils sont la règle plutôt que l'exception, l'hérésie a gagné.
Une bataille cruciale est en train de se dérouler à cet égard. Elle concerne les matrices intellectuelles de l'islam, les séminaires théologiques. Dans le monde arabe, en Europe et en Amérique du Nord, ils sont aujourd'hui financés et donc actuellement contrôlés par les Saoudiens d'abord, par les Frères musulmans ou d'autres confréries islamistes ensuite. Avec toutes les conséquences que cela implique à moyen ou à long terme.
La guerre sainte est-elle la finalité de l'islam ?
La "guerre sainte", comme vous dites, n'est pas un concept musulman, mais chrétien, dont les Croisades ont été l'application la plus célèbre. L'islam parle seulement de "djihad", c'est-à-dire d'effort vers le bien. La littérature islamique classique range dans cette catégorie des actes aussi différents que le pèlerinage à La Mecque pour les femmes, la nécessité de prendre soin de ses parents âgés ou le perfectionnement éthique. C'est seulement par extension que le "djihad" recouvre également la guerre juste. Mais cette guerre, à son tour, n'est pas nécessairement menée dans le seul intérêt des musulmans : selon le Coran, elle peut être décrétée "pour protéger les mosquées, les synagogues, les églises et les monastères", ou même en vue de repousser un envahisseur, même musulman. Dans le langage politique d'aujourd'hui, elle peut parfaitement s'appliquer à une guerre menée pour la défense des droits de l'homme.
Un musulman peut-il accepter l'existence d'Israël ?
Rien, dans l'islam sunnite orthodoxe, ne s'oppose à l'existence de cet Etat. En tout cas, rien dans la période actuelle, qui a commencé avec la disparition du sultanat-califat ottoman et qui ne s'achèvera que lors de l'arrivée de l'Imam al-Mahdi, c'est-à-dire du Messie.
En 1919, l'émir Fayçal, chef de la famille hachémite, docteur de la Loi et musulman pieux, avait approuvé la déclaration Balfour, signé un pacte d'amitié avec l'Organisation sioniste, et félicité les immigrants juifs pour leur "retour" dans la patrie de leurs ancêtres. Ce sont les Britanniques qui ont créé de toutes pièces un conflit judéo-musulman, en trahissant Fayçal et en favorisant sottement à sa place le soi-disant mufti de Jérusalem, Amin El-Husseini, qui n'était en fait qu'un agitateur nationaliste irréligieux, et qui a fini par passer du côté des Italiens et des Allemands. Par la suite, la cause dite palestinienne a été manipulée par tous les ennemis de l'islam : les régimes arabes irréligieux ou hérétiques, le communisme athée, etc.
L'idée selon laquelle les musulmans auraient un devoir particulier envers la "Palestine arabe" n'est pas plus fondée. D'abord parce que la notion même de "Palestine" est étrangère à la littérature islamique orthodoxe, qui ne connaît que le Bilad as-Sham, une entité comprenant les Etats actuels du Liban, de Syrie, d'Israël et de Jordanie. Et ensuite parce qu'un pays, arabe ou non, n'a pas d'existence en soi: ce n'est qu'une circonscription territoriale et politique, établie dans l'intérêt de ses habitants, pour l'administration de la justice et du bien. Dans la mesure du possible, un musulman souhaitera que cette circonscription soit dirigée par des musulmans pieux. Mais entre un pouvoir non-musulman juste et respectueux de l'islam, et un pouvoir musulman hérétique, injuste et oppresseur, il doit préférer le premier. A supposer qu'une obligation de remplacer l'Etat juif par un Etat palestinien musulman soit actuellement en vigueur, la même obligation serait valable a fortiori pour la Syrie, puisqu'elle est dirigée par des alaouites, considérés par les sunnites comme des renégats polythéistes, donc bien plus infidèles que les juifs monothéistes...
La démocratie est-elle compatible avec l'islam orthodoxe ?
Depuis la dissolution du califat, les musulmans ont le devoir, autant que possible, de vivre dans un Etat qui ne pratique pas l'oppression, assure la justice et protège l'islam et les autres religions révélées. La démocratie occidentale est actuellement le régime qui se rapproche le plus de cette définition. Des régimes à la fois démocratiques et musulmans fonctionnent déjà dans certains pays. Je constate que les droits politiques, sociaux et religieux des non-musulmans, Indiens hindouistes et Chinois bouddhistes, sont parfaitement garantis dans la Malaisie musulmane, par exemple, alors que dans mon propre pays, l'Italie, les droits des musulmans sont toujours définis par une loi restrictive de 1929, édictée par Mussolini, aux termes desquels l'islam, le bouddhisme et le christianisme orthodoxe ne sont que des "cultes autorisés", c'est-à-dire tolérés.
Un musulman vivant dans un pays démocratique doit accepter la loi civile tant qu'elle ne le contraint pas à violer la loi religieuse, la Charia. Par exemple, il peut se résigner à une loi autorisant l'homosexualité ou d'autres comportements sexuels interdits par le Coran tant qu'il ne sera pas lui-même contraint de les pratiquer. En sens inverse, il doit renoncer à des pratiques permises par la Charia mais interdites par le gouvernement démocratique, comme la polygamie. Je ne pense pas que la situation soit tellement différente pour les fidèles d'autres religions, notamment lescatholiques et les juifs.
Les gouvernements occidentaux doivent-ils jouer un rôle dans la désignation des chefs religieux musulmans ?
Du point de vue musulman, un pouvoir légitime, musulman ou non-musulman, a le droit et même le devoir de désigner les chefs religieux et les éducateurs de la communauté islamique, du moment qu'il les choisit parmi des hommes pieux et savants. C'est donc aux gouvernements occidentaux qu'il faut renvoyer la question, compte tenu de la séparation des Eglises et de l'Etat ou de tout autre considération de ce type. Voulez-vous un islam compatible avec la démocratie et avec les droits de l'homme ? Si la réponse est oui, choisissez les responsables musulmans en conséquence.
© Michel Gurfinkiel et Valeurs Actuelles, 2001
Entretien avec l'Imam Abdul Hadi Palazzi ,
Par Michel Gurfinkiel, "Valeurs Actuelles"
23/12/2001
23/12/2001
Le Cheikh Palazzi est Italien par son père, Syrien par sa mère.
Il dirige le Centre culturel de la Communauté islamique de Rome.
C'est l'une des plus grandes autorités sunnites d'Europe.
L'islam est en pleine ascension. Mais trop souvent sous une forme extrémiste...
IMAM PALAZZI. L'islam contemporain vit une tragédie. Il a été kidnappé par une hérésie née voici trois siècles dans le désert du Nejd, le wahhabisme, aujourd'hui au pouvoir en Arabie Saoudite, et par ses nombreuses variantes, des Frères musulmans (al-Ikhwan al-Muslimun) aux confréries dites "islamistes". L'islam connaît sans doute actuellement un essor numérique et géographique. Mais il subit en même temps une profonde décadence interne, au moins dans son c ur historique : le monde arabe et les autres pays du Proche et du Moyen-Orient. Son salut viendra peut-être de la périphérie : des islams d'Afrique ou d'Extrême-Orient, ou d'un nouvel islam en gestation dans les pays pluralistes et multiculturels d'Occident, en Europe et en Amérique.
En quoi le wahhabisme et l'islamisme sont-ils hérétiques ?
Lors de leur apparition, les wahhabites ont été rejetés avec horreur par la quasi-totalité des autorités musulmanes, et combattus par les pouvoirs musulmans légitimes, notamment le sultan-calife ottoman. En raison de leur doctrine : ils rejetaient la Sunna, la tradition séculaire de l'islam, au profit d'une lecture littéraliste du Coran. Et en raison de leurs actes : ils se livraient, sous couvert de religion, aux pires excès, du saccage des Lieux Saints, notamment à La Mecque et Médine, au massacre de populations musulmanes entières, femmes et enfants compris. Ce rejet du wahhabisme a persisté jusqu'à notre époque, tant qu'il s'est trouvé des chefs religieux capables de s'exprimer à ce sujet. Les clones modernes du wahhabisme, qu'il s'agisse des Frères musulmans, du néo-wahhabiste Oussama Ben Laden, des taliban, ou des autres réseaux dits islamistes ne se différencient du wahhabisme proprement dit qu'en formulant un projet politique de domination mondiale, analogue sur bien des points au fascisme et au communisme, et en mettant en place, comme leurs modèles totalitaires européens, des réseaux hiérarchisés de militants professionnels.
Comment expliquer que ces hérétiques aient pris le pouvoir dans une partie importante du monde musulman ?
Ils se sont imposés par la force et la terreur : soit en renversant les pouvoirs musulmans établis, soit en les faisant chanter. Au fur et à mesure qu'ils consolidaient leur emprise sur des pays musulmans, leurs ressources financières s'accroissaient, et donc leur capacité de subvertir d'autres pays ou communautés. Je dois ajouter que les Occidentaux portent également leur part de responsabilité. Ignorants en matière islamique, les Britanniques et plus tard les Américains ont cru que les wahhabites et les islamistes n'étaient que des musulmans conservateurs, " intégristes ", et les ont soutenus avec l'idée de s'appuyer sur eux en retour. En 1991, l'Amérique a fait la guerre du Golfe pour sauver l'indépendance du Koweit et à plus long terme celle de l'Arabie Saoudite. L'émir du Koweit les a remerciés en accordant un énorme soutien financier au mouvement islamiste et terroriste Hamas, puis en participant à la création, à Lugano, du Nada Management Group, c'est-à-dire du holding de Ben Laden. J'espère que les événements du 11 septembre ont ouvert les yeux des dirigeants de Washington.
Où peut-on encore trouver des musulmans orthodoxes ?
Dans la plupart des pays arabes, l'islam sunnite orthodoxe a été remplacé par un mélange instable d'islamisme et de nationalisme arabe non-religieux. Dans d'autres pays, comme le Pakistan, il a été marginalisé par le wahhabisme. En ce XVe siècle de l'Hégire, il survit surtout dans des pays périphériques, en Afrique noire, en Inde, en Indonésie, en Malaisie, dans l'ancienne Asie centrale soviétique. Le critère, c'est l'affiliation des Docteurs de la Loi coranique, des oulémas. Là où les wahhabites et les islamistes sont l'exception plutôt que la règle, l'islam est encore authentique. Là où ils sont la règle plutôt que l'exception, l'hérésie a gagné.
Une bataille cruciale est en train de se dérouler à cet égard. Elle concerne les matrices intellectuelles de l'islam, les séminaires théologiques. Dans le monde arabe, en Europe et en Amérique du Nord, ils sont aujourd'hui financés et donc actuellement contrôlés par les Saoudiens d'abord, par les Frères musulmans ou d'autres confréries islamistes ensuite. Avec toutes les conséquences que cela implique à moyen ou à long terme.
La guerre sainte est-elle la finalité de l'islam ?
La "guerre sainte", comme vous dites, n'est pas un concept musulman, mais chrétien, dont les Croisades ont été l'application la plus célèbre. L'islam parle seulement de "djihad", c'est-à-dire d'effort vers le bien. La littérature islamique classique range dans cette catégorie des actes aussi différents que le pèlerinage à La Mecque pour les femmes, la nécessité de prendre soin de ses parents âgés ou le perfectionnement éthique. C'est seulement par extension que le "djihad" recouvre également la guerre juste. Mais cette guerre, à son tour, n'est pas nécessairement menée dans le seul intérêt des musulmans : selon le Coran, elle peut être décrétée "pour protéger les mosquées, les synagogues, les églises et les monastères", ou même en vue de repousser un envahisseur, même musulman. Dans le langage politique d'aujourd'hui, elle peut parfaitement s'appliquer à une guerre menée pour la défense des droits de l'homme.
Un musulman peut-il accepter l'existence d'Israël ?
Rien, dans l'islam sunnite orthodoxe, ne s'oppose à l'existence de cet Etat. En tout cas, rien dans la période actuelle, qui a commencé avec la disparition du sultanat-califat ottoman et qui ne s'achèvera que lors de l'arrivée de l'Imam al-Mahdi, c'est-à-dire du Messie.
En 1919, l'émir Fayçal, chef de la famille hachémite, docteur de la Loi et musulman pieux, avait approuvé la déclaration Balfour, signé un pacte d'amitié avec l'Organisation sioniste, et félicité les immigrants juifs pour leur "retour" dans la patrie de leurs ancêtres. Ce sont les Britanniques qui ont créé de toutes pièces un conflit judéo-musulman, en trahissant Fayçal et en favorisant sottement à sa place le soi-disant mufti de Jérusalem, Amin El-Husseini, qui n'était en fait qu'un agitateur nationaliste irréligieux, et qui a fini par passer du côté des Italiens et des Allemands. Par la suite, la cause dite palestinienne a été manipulée par tous les ennemis de l'islam : les régimes arabes irréligieux ou hérétiques, le communisme athée, etc.
L'idée selon laquelle les musulmans auraient un devoir particulier envers la "Palestine arabe" n'est pas plus fondée. D'abord parce que la notion même de "Palestine" est étrangère à la littérature islamique orthodoxe, qui ne connaît que le Bilad as-Sham, une entité comprenant les Etats actuels du Liban, de Syrie, d'Israël et de Jordanie. Et ensuite parce qu'un pays, arabe ou non, n'a pas d'existence en soi: ce n'est qu'une circonscription territoriale et politique, établie dans l'intérêt de ses habitants, pour l'administration de la justice et du bien. Dans la mesure du possible, un musulman souhaitera que cette circonscription soit dirigée par des musulmans pieux. Mais entre un pouvoir non-musulman juste et respectueux de l'islam, et un pouvoir musulman hérétique, injuste et oppresseur, il doit préférer le premier. A supposer qu'une obligation de remplacer l'Etat juif par un Etat palestinien musulman soit actuellement en vigueur, la même obligation serait valable a fortiori pour la Syrie, puisqu'elle est dirigée par des alaouites, considérés par les sunnites comme des renégats polythéistes, donc bien plus infidèles que les juifs monothéistes...
La démocratie est-elle compatible avec l'islam orthodoxe ?
Depuis la dissolution du califat, les musulmans ont le devoir, autant que possible, de vivre dans un Etat qui ne pratique pas l'oppression, assure la justice et protège l'islam et les autres religions révélées. La démocratie occidentale est actuellement le régime qui se rapproche le plus de cette définition. Des régimes à la fois démocratiques et musulmans fonctionnent déjà dans certains pays. Je constate que les droits politiques, sociaux et religieux des non-musulmans, Indiens hindouistes et Chinois bouddhistes, sont parfaitement garantis dans la Malaisie musulmane, par exemple, alors que dans mon propre pays, l'Italie, les droits des musulmans sont toujours définis par une loi restrictive de 1929, édictée par Mussolini, aux termes desquels l'islam, le bouddhisme et le christianisme orthodoxe ne sont que des "cultes autorisés", c'est-à-dire tolérés.
Un musulman vivant dans un pays démocratique doit accepter la loi civile tant qu'elle ne le contraint pas à violer la loi religieuse, la Charia. Par exemple, il peut se résigner à une loi autorisant l'homosexualité ou d'autres comportements sexuels interdits par le Coran tant qu'il ne sera pas lui-même contraint de les pratiquer. En sens inverse, il doit renoncer à des pratiques permises par la Charia mais interdites par le gouvernement démocratique, comme la polygamie. Je ne pense pas que la situation soit tellement différente pour les fidèles d'autres religions, notamment lescatholiques et les juifs.
Les gouvernements occidentaux doivent-ils jouer un rôle dans la désignation des chefs religieux musulmans ?
Du point de vue musulman, un pouvoir légitime, musulman ou non-musulman, a le droit et même le devoir de désigner les chefs religieux et les éducateurs de la communauté islamique, du moment qu'il les choisit parmi des hommes pieux et savants. C'est donc aux gouvernements occidentaux qu'il faut renvoyer la question, compte tenu de la séparation des Eglises et de l'Etat ou de tout autre considération de ce type. Voulez-vous un islam compatible avec la démocratie et avec les droits de l'homme ? Si la réponse est oui, choisissez les responsables musulmans en conséquence.
© Michel Gurfinkiel et Valeurs Actuelles, 2001
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